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Urbanisme – 3.000 bâtiments passés au crible pour le plan de sauvegarde de Perpignan

Article mis à jour le 23 avril 2021 à 15:27

Après plus de 4 ans d’études, de rapports, de visites d’immeubles et d’expertises, la révision du plan de sauvegarde semble en bonne voie. Non obligatoire pour les communes, ce document d’urbanisme a fait couler beaucoup d’encre. Le quartier Saint-Jacques et l’îlot Puig devenant même l’avant-scène de la prochaine élection municipale. Ce plan d’urbanisme s’attache à classifier les immeubles un par un en fonction de leur valeur patrimoniale et historique. Il permet aussi d’adapter des bâtis anciens pour répondre à la demande de vie digne de ses occupants.

Après un rapport de plus de 1200 pages, le commissaire enquêteur a déposé un avis favorable à la transformation du plan de 2007, jugé trop « corseté » par la municipalité. Selon le commissaire enquêteur, « les opposants », dont l’ASPAHR* et un collectif d’habitants du quartier Saint-Jacques, méconnaissent ou sont de mauvaise foi dans l’analyse du projet.

♦ « Des maisons de ville enfin habitables pour tenter de rendre la ville désirable »

Dixit l’architecte des bâtiments de France, Jean-Marc Huertas. L’architecte particulièrement remonté face à cette opposition qui qualifie de « pittoresque » le bâti actuel. « Parler de pittoresque, c’est faire une véritable injure à ceux qui vivent là. On n’est pas dans du pittoresque, mais dans la misère ! ». L’architecte qui travaille avec la ville a tenu à évoquer son partenariat : « Travailler avec la ville de Perpignan est quelque chose de très motivant. Même si mes avis ne sont pas toujours favorables, la ville les a toujours suivis. »

La ville a travaillé sur un secteur, probablement l’un des plus pauvres de France, selon l’architecte. « Il y a 5 ans que nous réfléchissons sur ce sujet ». Le bâti de Saint-Jacques est un bâti modeste, très populaire, à l’origine habité par des ouvriers, des marchands. Un bâti qui s’est beaucoup dégradé au fil du temps.

Pour illustrer ces propos, le commissaire enquêteur qui a rendu un avis favorable à la révision du plan rappelle les chiffres : « 75 % des immeubles sont dans un état passable ou médiocre voire, fortement dégradés, dangereux et insalubres » Relire notre article sur les chiffres de l’habitat indigne à Perpignan.

Sur Saint-Jacques, alors que les fondations originelles étaient prévues pour du rez-de-chaussée et un étage, certains immeubles au fil des années comptent parfois 5 niveaux précise Alain Vernet, architecte spécialisé dans le patrimoine intervenant dans le dossier.

Jean-Marc Huertas compare même Saint-Jacques « au ghetto du XIVème siècle » décrit au XIXème par l’auteur Hippolyte Taine parlant du quartier construit dans les fossés de la cité de Carcassonne.

♦ Seulement 5% des 3.000 immeubles étudiés touchés par ces modifications

Même si la volonté du rapport n’est pas de faire une présentation comptable, il n’en demeure pas moins que la modification de ce nouveau plan de sauvegarde porte sur une soixantaine de bâtiments. Soit moins de 5% des 3.000 immeubles étudiés. Un plan de sauvegarde qui porte sur 100 hectares, 3000 immeubles, le plus étendu après celui de Bordeaux. Les 1.000 immeubles qui ont fait l’objet de visites sont situés dans les quartiers Saint-Jacques, La Réal, Saint-Matthieu.

Les intervenants insistent, quand on parle d’immeubles déclassés cela ne veut pas dire qu’il y aura destruction demain ! Il faut d’abord qu’il y ait un projet sérieux et porté par des opérateurs pour envisager des travaux.

Alain Vernet, revient sur « le charme » de certains bâtis : « Parfois, on conçoit que certains immeubles ont du charme. Mais quand on pose la question, voudriez-vous y habiter ? Les présents à la réunion se regardent les chaussures ». Car, insiste-t-il, « ils se regardent les pompes, parce qu’ils n’ont pas envie d’y habiter ! ».

« Avis favorable » du commissaire enquêteur « contesté » et qualifié de « partial » par l’ASPAHR

La conclusion du commissaire enquêteur Monsieur Zazzi Didier compte 19 pages. Il y consigne son avis personnel en page 9. Un avis particulièrement cinglant quand il évoque « les opposants » au projet. Cliquez pour consulter la conclusion du rapport.

« Les polémiques politico-politiciennes ou les basses manœuvres de règlements de comptes ou les egos des uns et des autres, j’en déduis que : Tous les avis, négatifs comme positifs de la population, convergent vers la réhabilitation, certes prioritaire, des bâtis. Toutefois, il s’avère que la réhabilitation ou la rénovation ne peuvent se faire soit, du fait de son importance soit, du fait de son coût. Alors, il faut envisager la requalification de certains immeubles dont ceux n’ayant pas véritablement un enjeu architectural ou patrimonial en général ».

Pour le commissaire enquêteur, « Il y a dans ces quartiers, la plus grande concentration de pauvreté… Non seulement la mixité sociale est en recul, mais, elle s’aggrave. Cela fortifie l’enfermement et le repli communautaire et pose de nombreux problèmes sécuritaires et d’accès libre aux quartiers… » Sur l’ensemble des trois quartiers, 94% de la surface au sol est occupée par des immeubles sur 3 à 5 niveaux. 

Selon l’ASPAHR et son président Bernard Mathon, « cet avis est partial, il reprend à la lettre les arguments développés par le maire ». Le rapport est également « insuffisamment argumenté » selon Bernard Mathon qui s’insurge que les contributeurs dont l’ASPAHR soient qualifiés « d’opposants ».

♦ Le confortement des bâtiments pour éviter l’effondrement coûte plus d’1M€ par an

Sans oublier les propriétaires que l’on ne retrouve pas, « une énorme difficulté », pour le maire qui cite un exemple. Un cas où la trésorerie fait des poursuites, sans succès, depuis 12 ans à l’encontre du propriétaire. Dans l’attente d’une hypothétique manifestation de ce dernier, la ville a dû dépenser 380.000 pour éviter que l’immeuble en question ne s’effondre.

Ce cas-là est courant selon le maire, et « c’est LA difficulté que l’on a dans le secteur sauvegardé. La responsabilité pénale du maire impose le confortement. Seulement ensuite, on se retourne contre le propriétaire avec peu de chances de succès ».

Cela représente plus d’un million d’euros par an pour le budget de la ville, dont la plus grande partie n’est jamais recouvrée. Pierre Parrat, adjoint à l’urbanisme de Perpignan, de citer un exemple. « Quand vous avez un propriétaire qui s’est désintéressé depuis fort longtemps de son bien et qui vit à l’étranger, vous avez des difficultés à le retrouver. Au moment du décès, sa succession ne se règle pas. Car aucun de ses héritiers ne s’intéresse à une maison qui ne vaut rien et qui ne génère que des dépenses ».

La possibilité est ouverte de saisir en cas de non-recouvrement. Mais selon Pierre Parrat, également avocat, « il faut d’abord trouver les personnes à saisir !« . Jean-Marc Pujol de citer à nouveau 3 exemples de confortement dans des immeubles n’appartenant pas à la ville réalisés en mai 2019. Le 1er pour 150.000€, le 2ème pour 80.000€ et le 3ème pour 60.000€. Parce qu’on n’a pas envie qu’il arrive ce qui est arrivé à Marseille.

*ASPAHR : Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Artistique et Historique Roussillonnais

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