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Visa pour l’Image à Perpignan, comment « exposer » la guerre Israël-Hamas ?

CP 36e VISA POUR L IMAGE 2024

Article mis à jour le 8 septembre 2024 à 08:51

Ce 6 mai 2024, l’iconique directeur de Visa pour l’image, Jean-François Leroy, dévoilait 19 des 25 expositions visibles du 31 août au 15 septembre 2024, à Perpignan. Au programme, les sujets phares de Visa 2024, l’élection du nouveau président pour l’association Visa pour l’Image, sans oublier les 150.000 euros décernés en bourses et autres prix aux photojournalistes.

Une fois n’est pas coutume, la conférence de presse avait quelque peu changé de forme. Au couvent des minimes de Perpignan, financeurs et acteurs du festival de photojournalisme attendaient patiemment leur tour pour donner leur vision de l’évènement, ou de la programmation de cette 36e édition. Entre la table recouverte d’un tissu rouge-festival, et les journalistes, Pierre Conte, le nouveau président de l’association Visa pour l’Image. Micro en main, le successeur de Renaud Donnedieu de Vabres, distribuait la parole tel Monsieur loyal.

Alors que les guerres succèdent aux crises, les photojournalistes à travers le monde documentent la misère, les inégalités et les enjeux pour nos sociétés. Cette année encore, Visa pour l’Image est la fenêtre d’un monde qui ne cesse de se transformer, et pas toujours pour le bien commun.

Projection XXL pour prendre de la hauteur sur la guerre entre Israël et le Hamas

Cette année, le fondateur de Visa pour l’Image déplore « une première en 36 ans » de festival. Jean-François Leroy hésite. Comment traiter le conflit entre Israël et le Hamas ? Comment faire pour ne pas s’attirer les foudres d’un camp ou d’un autre ? Autant de questions qui taraudent ce défenseur des photojournalistes. « Vu les réactions épidermiques sur le sujet, d’un côté comme de l’autre, (insiste Jean-François Leroy), je pense à une très grosse projection. »

Le format de la projection au Campo Santo a l’avantage de permettre le dialogue, la modération et l’argumentation, selon Jean-François Leroy. « Je ne peux pas prendre le risque d’avoir 50 personnes qui vont venir massacrer une exposition parce qu’ils trouvent que je suis trop pro palestinien ou trop pro israélien ».

Et puis, comment faire une sélection parmi le travail de la trentaine de photojournalistes enfermés à Gaza ? Au-delà de l’hommage rendu à tous les journalistes et photographes qui ont déjà perdu la vie depuis le 7 octobre, Jean-François Leroy se refuse à faire un choix parmi tous les photographes à Gaza. D’où la décision, encore non définitive, de montrer tous les travaux dans un immense sujet qui pourrait se poursuivre par une soirée d’hommages. Par ailleurs, selon Jean-François Leroy, Gaza est surtout et avant tout une succession de drames d’un quotidien difficile à retranscrire sur une seule et même succession de 40 clichés.

Pierre Conte, le nouveau VRP de Visa pour l’Image

Cet homme de médias a déjà ses attaches dans le département. En effet, né à Salses-le-Château, son père Arthur Conte fut un homme politique et à la tête de l’ORTF en 1972. Élu président de l’association Visa pour l’Image, Pierre Conte a la lourde responsabilité de mettre en lumière le festival de photojournalisme. Le nouveau responsable bénévole de Visa doit aussi coordonner l’ensemble des acteurs qui font vivre le photojournalisme à Perpignan toute l’année. Parmi ses missions, à l’heure où les finances publiques sont à sec, l’ancien directeur du Figaro doit trouver de nouveaux partenariats et notamment privés.

Pierre Conte se voit comme un ambassadeur, un VRP de Visa pour l’Image. Récemment nommé, le nouveau président de l’association n’a pu rédiger le traditionnel édito qui accompagne le programme du festival. Qu’aurait-il écrit ? Que « la meilleure défense c’est la promotion. Je pense qu’il faut se donner du mal pour attirer l’intérêt. Après j’ai aussi une sensibilité profonde pour tout ce qui a déjà été fait auprès des collégiens et des lycéens. J’ai presque envie de dire que le coup d’après se prépare dès maintenant. »

Quelles expositions pour Visa pour l’Image 2024 ?

« Haïti : le pouvoir des gangs » de Corentin Fohlen chez Divergence pour Paris Match. « Depuis la vague de manifestations de 2019, les crises se succèdent en Haïti. Après l’assassinat en 2021 du président Jovenel moïse, les gangs s’imposent en maîtres dans Port-au-Prince. En février 2024, une coalition de gangs menée par Jimmy Chérizier se forme pour évincer le Premier ministre Ariel Henry, considéré comme illégitime, qui accepte de démissionner le 11 mars. Le pays est laissé entre les mains des gangs qui lancent des offensives contre les institutions et la police nationale. »

« La vie sous les talibans 2.0 » est une série réalisée par Afshin Ismaeli pour Aftenposten. « Vingt ans après avoir été chassés du pouvoir, les talibans ont repris le contrôle de Kaboul et règnent à nouveau sur l’Afghanistan. Afshin Ismaeli met en lumière différentes facettes de la coexistence entre la population et les combattants talibans depuis leur retour. »

« Équateur : conflit armé interne » par John Moore, Getty Images. « Traditionnellement considéré comme l’un des pays les plus pacifiques d’Amérique du sud, l’Équateur a aujourd’hui l’un des taux d’homicides les plus élevés de la région. Début 2024, afin de lutter contre l’extorsion généralisée et la flambée de violence des gangs liée à la drogue, le président Daniel Noboa a déclaré un « conflit armé interne ». La police et l’armée ont arrêté des milliers de personnes dans le cadre d’une répression nationale contre une vingtaine de gangs qualifiés d’« organisations terroristes ».

« Minerais de sang » de Francisco Proner membre de l’Agence VU’. « Au Brésil, Brumadinho, Mariana et Maceió portent les stigmates de tragédies environnementales. Conséquences de l’extractivisme en Amérique latine, les crimes commis par les géants multinationaux révèlent la logique inhumaine qui régit cette industrie. (…) Dans ces terres ravagées, la population lance un cri d’alerte et implore justice.

Témoignage et nouveaux enjeux sociétaux 

« Comédie-Française : histoires de théâtre » est un reportage réalisé par Jean-Louis Fernandez. Ce passionné par le spectacle vivant offre son regard en forme de témoignage sur tout le processus de création, des premières répétitions jusqu’à la naissance du spectacle, du plateau aux coulisses et aux loges.

« Grandir dans la cour d’écrans » reportage de Jérôme Gence. « Depuis la crise sanitaire de 2020, le temps d’écran quotidien des enfants a explosé. La généralisation du télétravail et des cours en ligne, la numérisation des rapports humains et des divertissements en sont les principales causes. Pour ces jeunes ultra-connectés, cette évolution n’est pas sans conséquence sur leur santé, leur développement psychique et leur sécurité face notamment aux risques de cyberharcèlement et de mauvaises rencontres. »

Karen Ballard réalise le portrait de Venice en Californie. « Ce quartier mythique et décalé de Los Angeles a lentement évolué, d’un passé riche en histoires à un présent coloré, complexe et moderne. »

« Les deux murs » d’Alejandro Cegarra pour le The New York Times et Bloomberg. « Depuis 2019, la collaboration entre les états-Unis et le Mexique pour refuser l’asile et limiter la migration a créé de nouveaux obstacles. Qu’elles soient physiques, psychologiques ou administratives, des barrières ont été dressées pour durcir les politiques migratoires, fermant des portes autrefois ouvertes à ceux qui en ont le plus besoin. »

Les lauréats de 2023 exposés en 2024

Chaque année, dans le cadre de Visa pour l’image, les bourses et prix décernés permettent d’accompagner les photojournalistes. Jean-François Leroy est fier de rappeler que l’ensemble des récompenses totalisent 150.000 euros.

Cinzia Canneri fut la Lauréate du prix Camille Lepage 2023. Visa pour l’Image affiche le travail de la photographe sur le corps des femmes en tant que champs de bataille. « Ce projet s’est concentré sur la guerre du Tigré qui sévit depuis 2020. (…) Les forces armées érythréennes ont utilisé les violences sexuelles comme arme de guerre contre les femmes, punissant les Érythréennes pour avoir fui leur pays, et cherchant à exterminer les Tigréennes. Leurs corps sont devenus des champs de bataille. »

« La ville invisible », Lauréat du prix Pierre et Alexandra Boulat 2023, Paolo Manzo présente son reportage sur cette ville invisible de la banlieue de Naples. Un projet au long cours et qui s’étend sur plus de vingt ans. « Il dresse un portrait cru des quartiers délabrés et abandonnés de la ville qui ont été délaissés par les autorités. Les histoires individuelles et les événements d’actualité sont dépeints à travers des vies brisées, dévoilant des aspects cachés de la ville. »

Lauréate de la Bourse Canon de la femme photojournaliste 2023, Anastasia Taylor-Lind présente « À 5 km du front ». Une vision plus nuancée de la vie quotidienne confrontée à la violence militaire. Un travail réalisé au cours des six dernières années par l’anthropologue et écrivaine Alisa Sopova et la photojournaliste Anastasia Taylor-Lind. Ce projet met en lumière le quotidien des habitants du Donbass, région déchirée par la guerre dans l’est de l’Ukraine.

Une rétrospective et un parcours

Cette photojournaliste à la carrière riche pour Getty images a documenté un monde dans la tourmente sur quatre décennies. L’engagement de Paula Bronstein à raconter les histoires des gens reste le même que dans les années 1980. « Elle a été témoin des horreurs de la guerre et de la dévastation des catastrophes naturelles. Dans des pays ravagés par la guerre comme l’Ukraine et l’Afghanistan, son travail met en lumière la résilience, le courage et l’espoir de ceux qui ont tant perdu. »

« Parcours d’un photographe à travers le quotidien, les conflits et la perte personnelle », Emilio Morenatti (AP) a reçu deux prix Pulitzer, l’un pour son travail sur la pandémie de Covid-19 dans son Espagne natale, l’autre pour son reportage sur les ravages de l’invasion russe en Ukraine, où il travaillait avec une équipe de photographes de l’Associated Press. Au cours de sa carrière, Morenatti a été confronté à de nombreux dangers, pourtant il n’a jamais eu l’envie d’abandonner, même après avoir perdu une jambe lors d’une mission en Afghanistan en 2009. Cette blessure lui a permis « d’avoir encore plus d’empathie et de se sentir plus proche des victimes ».

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Maïté Torres