Article mis à jour le 2 septembre 2022 à 11:46
Le photographe Alain Ernoult expose « La sixième extinction » au festival international de photojournalisme Visa pour l’Image. Gorilles, ours, caribous ou panthères transmettent leur vie à travers l’objectif d’Alain Ernoult. Interview et retour sur l’exposition visible jusqu’au 11 septembre, à la maison de la catalanité de Perpignan.
« Au Rwanda, quand j’ai pris cette photo, le gorille dominant, le mâle alpha qui s’occupe de la sécurité du groupe, est arrivé et m’a donné un grand coup de poing. J’ai eu le genou pété, mais j’ai compris que ce n’était qu’un simple avertissement parce que je m’étais approché trop près de son groupe ».
Par ces images « les yeux dans les yeux », Alain Ernoult veut faire passer un message : sa grande tristesse de voir disparaître tous ces animaux. Si l’Union Internationale de la Conservation de la Nature alerte depuis de nombreuses années, la liste rouge des espèces menacées établie par l’organisation n’a de cesse de s’allonger. En 2022, 41% des amphibiens, 13% des oiseaux
et 27% des mammifères étaient menacés d’extinction au niveau mondial. C’est également le cas pour 37% des requins et raies, 33% des coraux constructeurs de récifs et 34% des conifères. Selon Alain Ernoult, « leur disparition n’est que la partie émergée de l’iceberg, signe d’un déclin de la biodiversité sans précédent et d’un effondrement des écosystèmes ».
« Tout passe par le regard de l’animal »
Mais comment faire passer le message selon lequel, nos actions ont un impact sur notre environnement, sur ce qui se passe à l’autre bout du monde, dans les savanes africaines ou dans l’immensité de l’arctique ?
Pour Alain Ernoult, le message doit passer par l’émotion, et quel meilleur vecteur d’émotion que le regard ? Le regard de ce gorille, le clin d’œil de cet ours polaire, ou les larmes qui coulent sur le cuir tanné de ce rhinocéros à terre.
Mais Alain Ernoult est catégorique, « c’est l’animal qui fait la photo, je ne suis qu’un témoin ». Le photographe nous amène vers une image d’un renne le museau poudré de neige et qui semble attiré par l’objectif. « Ici, j’étais en Finlande à la frontière avec la Russie. Les rennes étaient très loin, je me suis donc allongé par terre. Et malgré les -35°C, j’ai attendu comme ça durant 2 heures. Par curiosité, ils se sont approchés et c’est là que j’ai appuyé sur le déclencheur. Pour moi, il y a clairement un échange entre lui et moi ».
« Mon travail sur ce qu’on appelle la « sixième extinction » vise à éveiller les consciences sur la vulnérabilité des espèces de notre monde au travers d’un concept photographique centré sur la transmission de l’émotion. Être au plus près de l’animal me permet de capter l’instant magique qui fera la force des images. La bienveillance, l’éveil, la conscience aiguë de l’autre et le respect des espèces non humaines sont des valeurs clés pour observer notre monde ».
Alain Ernoult, le photographe « No limit »
Ses débuts ne furent guère studieux. « J’ai quitté l’école à 14 ans sans savoir lire ni écrire. Alors que j’avais commencé à travailler à l’usine à Evreux en Normandie, j’ai vu que le paludisme sévissait au Mali et qu’ils manquaient de médicament ». Fougueux et insouciant, le jeune Alain remplit son sac à dos de médicaments antipaludique direction l’Afrique.
Sans aucun plan, si ce n’est d’aider ces populations, il apprend vite la valeur d’un verre d’eau. « En termes de maturité, j’ai pris 10 ans dans la tête, j’ai appris beaucoup de beaucoup de choses ! ». De retour à l’usine, il entreprend le récit de son voyage, mais personne ne le croit. Alain Ernoult décide d’acquérir un appareil photo sommaire pour documenter son prochain voyage qui durera deux ans.
Le virus de la photographie et du reportage avait contaminé le jeune Alain. Il voulait désormais traiter des sujets peu ou pas documentés. « Je suis allé voir les Hells Angels en Floride. Ils étaient peu enclins à laisser travailler un mec comme moi. J’ai reçu un coup de couteau dès le premier soir, et malgré tout je suis revenu le lendemain. Et là, ils se sont dit que j’avais des c… et qu’ils allaient me laisser bosser ».
Après les gros cubes, ce furent les avions de la patrouille de France qui fascinèrent le photographe. À force de pugnacité, Alain Ernoult fut le premier photographe à monter dans un des Alphajet de Salon-de-Provence. Ce fut le début d’une longue période à photographier depuis les avions français. « Et puis au bout d’un moment, j’ai eu l’impression que mes sujets étaient décalés par rapport aux attentes nouvelles et aux évolutions de la société.
J’ai eu envie de partager mon émotion, mon amour des animaux, et de faire prendre conscience de cette 6e extinction. Si on ne fait rien, ils vont disparaître ».
Les photos de l’exposition et des centaines d’autres figurent dans son livre « La sixième extinction, le règne animal en péril« . Ouvrage paru aux éditions Epa de plus de 250 pages disponible à la librairie du Festival.
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