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Comment les salles de concert de Detroit survivent-elles à la crise du Coronavirus ?

Comment les salles de concert de Detroit survivent-elles à la crise du Coronavirus ? 

Article mis à jour le 16 mars 2021 à 17:37

Cette nouvelle rubrique Ici comme ailleurs met en lumière des initiatives du monde entier ; avec cette particularité qu’elles font écho à des problématiques présentes sur notre territoire. Pour ce quatrième article, un focus sur la culture, avec l’exemple de la salle de concert 20 Front Street à Détroit ; une histoire relatée par Kate Roff de Metromode.

♦ L’exemple du « 20 Front Street » à Détroit

Allan Goetz avait eu l’impression que sa salle de concert venait juste d’atteindre son apogée lorsque la pandémie COVID-19 a frappé. Allan fait partie du collectif Six-Family propriétaire de la « salle d’écoute » du lac Orion, au 20 Front Street ; un lieu qui a ouvert en 2017 et qui a connu bon nombre de spectacles à guichets fermés avant la fermeture imposée en mars.

Cette salle de spectacle fait partie intégrante de l’industrie la plus durement touchée par la crise sanitaire mondiale. Si les salles restent fermées jusqu’à fin 2020, l’industrie américaine de la musique risque de perdre plus de 9 milliards de dollars rien qu’en ventes de billets et, avec la moitié des revenus de l’industrie générés par les événements musicaux en direct, les salles du métro de Detroit souffrent. 

Allan confirme que son entreprise fonctionne actuellement avec 90 % de revenus de moins qu’à la normale ; et affirme qu’il a été difficile de « pivoter » comme l’ont fait d’autres industries.

« Nous avons été les premiers à fermer et nous serons les derniers à rouvrir », dit Goetz. Il n’y a pas d’option « à emporter » pour la musique.

Malgré ces difficultés, le 20 Front Street s’est joint à d’autres entreprises du secteur ; à la recherche de moyens alternatifs pour monétiser la consommation de musique cette année. Les concerts en plein air en été, la diffusion en direct en automne et une réouverture, certes limitée, à l’avenir sont des pistes. Goetz espère simplement que cela suffira.

"Ici comme ailleurs" met en lumière des initiatives du monde entier ; focus sur la culture et la salle de concert 20 Front Street à Détroit.

Des concerts en plein air

Profitant de l’été, le 20 Front Street s’est associé à la Downtown Development Authority (DDA) du lac Orion pour organiser deux concerts en plein air dans le parc pour enfants situé à proximité. Les musiciens se sont produits dans un kiosque à musique ; tandis que le public était assis sur des carrés de pelouse marqués, espacés de deux mètres. 

La DDA a financé les honoraires des musiciens, et des pots à pourboires ont été mis en place pour collecter des fonds supplémentaires. Les spectacles gratuits ont à chaque fois rempli la capacité d’accueil de 100 personnes ; une démonstration, selon Goetz, que la musique en direct a encore une signification pour certains. 

« Les gens les ont aimés », dit Allan. « J’ai vraiment eu l’impression – surtout pour l’artiste – qu’ils étaient très émus. Cette connexion, cette réaction du public en direct leur manque vraiment. Les emojis applaudissements sont marrants ; mais ils ont leurs limites ».

Le 20 Front Street s’est également associé au Royal Park Hotel de Rochester pour organiser un concert extérieur « Night in Nashville » en août ; avec Matthew Austin Bell et d’autres auteurs-compositeurs de Nashville. Une scène a été construite derrière l’hôtel, à côté de Paint Creek, afin qu’une foule de plus de 200 personnes puisse en profiter depuis les balcons et les terrasses de l’hôtel. 

"Ici comme ailleurs" met en lumière des initiatives du monde entier ; focus sur la culture et la salle de concert 20 Front Street à Détroit.

♦ Des diffusions en direct

Au niveau mondial, la diffusion en continu (streaming) est passée de 9 % à 47 % des recettes totales de l’industrie de la musique en six ans. Il n’est donc pas surprenant que les salles de concert se soient tournées vers la diffusion en continu comme autre moyen de générer des fonds. Le 20 Front Street a commencé à produire des vidéos baptisées « Green Rooms Session » sur sa chaîne YouTube il y a trois ans ; et, cette année, la plateforme est rapidement devenue un élément important de la stratégie de survie du lieu. 

« Nous enregistrons un spectacle, nous le présentons en avant-première un jeudi, et les gens peuvent faire des dons », explique Allan. « Nous partageons les dons avec les artistes. »

Enregistré en mars avec les artistes locaux Michelle O’Neil et Steve Taylor, leur « Songwriters Round » a été visionné plus de 2.000 fois sur YouTube ; et plus de 1.700 personnes ont regardé le spectacle en direct du Dave Bennett Quartet en juillet.

"Ici comme ailleurs" met en lumière des initiatives du monde entier ; focus sur la culture et la salle de concert 20 Front Street à Détroit.

L’auteur-compositeur-interprète JD Eicher s’est produit plusieurs fois au 20 Front Street

JD Eicher a été très affecté lorsqu’il a dû annuler plus de 60 spectacles cette année en raison de la COVID-19. Il avait prévu une tournée européenne et une tournée de sortie de CD ; mais il reste positif malgré les revers.

« Dans ces moments-là, c’était vraiment très difficile à accepter », dit-il. « Mais avec tant de catastrophes liées au virus, j’essaie de garder à l’esprit que je ne suis impacté que professionnellement ; et que ma famille et mes amis ont pu rester en bonne santé. C’est ce qui est important en ce moment ».

Ses revenus ayant été touchés à 80 %, JD s’est tourné vers d’autres solutions comme la plateforme de financement participatif Patreon, la vente de marchandises en ligne, les spectacles en plein air et les dons provenant de concerts en direct comme celui qu’il a donné le mois dernier au 20 Front Street. 

« C’était étrange, et peut-être un peu sinistre, de jouer devant des sièges vides en pleine pandémie », dit M. Eicher. « Mais j’étais enthousiaste à l’idée de pouvoir aider ; et je savais qu’ils allaient offrir une formidable production aux spectateurs. Cette équipe est spéciale, et c’était un honneur de participer à leurs efforts pour maintenir la musique ».

JD admet cependant que la diffusion en direct ne remplace pas financièrement un spectacle live ; et qu’elle constitue « plutôt une subvention de survie ». Selon Allan, l’impact psychologique sur les artistes est plus important que la partie financière. « J’ai eu de longues conversations avec certains artistes et beaucoup étaient très déprimés », dit Allan. « Leur don est de partager leur musique avec les gens. »

"Ici comme ailleurs" met en lumière des initiatives du monde entier ; focus sur la culture et la salle de concert 20 Front Street à Détroit.

♦ Les aides du gouvernement américain

20 Front street fait partie de la National Independent Venue Association (NIVA) ; association qui a lancé la campagne #SaveMIStages pour encourager le soutien du gouvernement aux artistes et aux salles de spectacles. Cette campagne a incité les autorités de l’État du Michigan à créer un fonds de secours de 10 millions de dollars ; tandis qu’un programme national a été adopté par la Chambre des représentants des États-Unis début octobre dans le cadre du Heroes Act.

Si le projet de loi sur l’aide nationale passe au Sénat, 10 milliards de dollars de subventions d’urgence seront alloués à des lieux et des producteurs indépendants ; ce qui, selon la NIVA, aura des répercussions sur les communautés locales. L’organisation estime que pour chaque dollar dépensé pour un billet de concert dans une petite salle, 12 dollars d’activité économique sont générés pour les entreprises de la région ; comme les restaurants, les magasins de détail et les hôtels.

« Nos petites entreprises indépendantes, qui contribuent normalement à l’économie locale à hauteur de plusieurs milliards de dollars, sont sur le point de s’effondrer si ce financement essentiel ne leur est pas accordé », déclare Audrey Fix Schaefer, directrice de la communication du NIVA. 

Environ 90 % des établissements indépendants déclarent qu’ils fermeront définitivement dans quelques mois sans financement fédéral ; un chiffre issu d’une enquête menée auprès des 2 800 membres de la NIVA.

« Nous sommes relativement optimistes ; nos élus comprennent que s’ils nous aident maintenant, nous pourons participer au renouveau économique des petites et des grandes villes », déclare Mme Schaefer. 

♦ Vers une réouverture de la salle de concert

Autorisés à rouvrir avec une capacité de 20 % début octobre, les petits sites du métro de Detroit devront encore faire face à des profits dérisoires dans un avenir proche. Au 20 Front Street, avec une capacité de 100 places, les concerts seront donnés devant un public de 20 personnes ; et Goetz estime qu’il faudra plusieurs mois avant que la capacité n’augmente. Il s’agira donc de spectacles très intimes. « Ce sera très exclusif et vraiment cool », dixit Goetz.  

Selon Goetz, l’incertitude est la partie la plus difficile car le lieu dépend des tournées des artistes. Il est difficile de prévoir quand les musiciens pourront tourner ; et de se lancer dans des réservations basées sur des scénarios imprévisibles. M. Goetz espère que les réservations de novembre et décembre permettront d’aller de l’avant. Le soutien des fans locaux de la salle de concert a toutefois renforcé son moral. 

« Notre personnel a croisé des gens qui sont passés au lac Orion et qui ont déposé de l’argent en disant « J’espère que vous allez bien » ou « nous n’en pouvons plus d’attendre que vous soyez à nouveau ouvert » »

« Notre amour pour la musique et notre amour pour les gens n’ont pas changé », dit Goetz. « Maintenant, on attend juste de revenir à ce que nous aimons faire. »

"Ici comme ailleurs" met en lumière des initiatives du monde entier ; focus sur la culture et la salle de concert 20 Front Street à Détroit.

// D’autres histoires inspirantes « Ici comme ailleurs » :

« Cette histoire fait partie du programme SoJo Exchange du réseau Solutions Journalism Network, une organisation à but non lucratif qui se consacre à des reportages rigoureux sur les réponses aux problèmes sociaux ».

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