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Crise de l’eau dans les Pyrénées-Orientales, l’impossible discours de vérité

Pompe d'eau, alimentant habituellement le village depuis sa source potable, aujourd'hui quasi à sec avec voyant de controle indiquant le manque d'eau et donc l'impossibilité d'approvisionnement en eau du village. © Jc Milhet / Hans Lucas

Article mis à jour le 9 juin 2023 à 09:12

Ce 25 avril, l’ensemble des acteurs et décideurs du département avaient rendez-vous en Préfecture. Autour de la table, représentants des agriculteurs, des entreprises, de l’hôtellerie, du tourisme, de l’Agence régionale de santé et des pompiers avaient la mine sombre. Tous doivent faire des efforts dans leurs usages de l’eau. Mais le Préfet est clair, en dépit de toutes ces mesures de «sobriété volontaire», les ruptures d’approvisionnement en eau potable ne peuvent être exclues pour les habitants. Photo Une © JC Milhet / Hans Lucas.

«La situation est extrêmement tendue, les quantités d’eau disponibles sont très faibles. Il n’y a pas assez d’eau pour couvrir tous les usages d’ici à la fin de l’été ; et de très loin.»

Malgré la situation, de l’avis de tous particulièrement alarmante, la restriction des capacités d’accueil des touristes n’est clairement pas envisagée. Et pour cause, ce secteur représente 10% des emplois marchands ; et les touristes ont dépensé 1 Milliard d’Euros en 2021 faisant des Pyrénées-Orientales le 7e département le plus touristique de France. Au-delà des piscines, des golfs, des hôtels et autres parcs aquatiques, la question qui se pose aujourd’hui est claire : les habitants et les touristes des campings auront-ils assez d’eau potable ? Les agriculteurs devront-ils choisir entre sauver leurs récoltes ou préserver leurs vergers ?

De nouvelles restrictions d’eau annoncées dès vendredi 28 avril

Les Pyrénées-Orientales sont en alerte renforcée depuis le 25 février 2023, le comité de l’eau avait décidé d’interdire tous les usages (arrosage des pelouses, lavage des voitures…) et de réduire de 50% l’usage agricole jusqu’au 30 avril. Afin de préparer les esprits aux nouvelles restrictions qui ne manqueront pas de suivre le comité sécheresse du 27 avril, le Préfet a rappelé la «gravité de la situation. (…) Ce mois d’avril est le plus sec depuis 1959, la situation s’est encore plus tendue sur la question de la ressource en eau». Christophe Béchu, Ministre de l’Ecologie, sera présent dans les Pyrénées-Orientales. Le jeudi 27 avril, il présidera le Comité d’Anticipation et de Suivi Hydrologique qui pourrait définir de nouvelles restrictions.

Une vingtaine de maires des Pyrénées-Orientales inquiets pour l’approvisionnement en eau potables de leurs administrés

Si le Préfet refuse de les stigmatiser, aujourd’hui cinq communes n’ont déjà plus d’eau au robinet ; et au total elles seraient une vingtaine particulièrement vulnérables. Toutes travaillent avec les services de l’État et l’Agence Régionale de Santé pour anticiper au maximum la rupture d’accès à l’eau potable. En parallèle, 186 communes ont signé la charte d’engagement volontaire pour économiser l’eau. Un document dans lequel les élus s’engagent sur neuf points dont celui de «signaler aux services de l’État et aux gestionnaires de l’eau, toute difficulté éventuelle concernant la disponibilité de la ressource afin de préparer la continuité de l’alimentation en eau potable.»

Selon Jean-Paul Billès, maire de Pézilla-la-Rivière et représentant l’association des maires des Pyrénées-Orientales, 82% des communes ont déjà signé la charte. «Aucune économie n’est à négliger. (…) Il n’y a pas de petits efforts, il nous faut un engagement collectif pour gagner des litres et des M3 partout où c’est possible.».

L’agriculture catalane en «mode survie» depuis l’été 2022

L’agriculture est l’un des secteurs économiques les plus mis à mal par cette sécheresse. Ce lundi 24 avril, devant la situation délicate et inédite, la Présidente du département, Hermeline Malherbe a adressé une lettre au Président de la République. Elle y décrit le désarroi auquel font face les agriculteurs. «Cette sécheresse exceptionnelle, conséquence du réchauffement climatique est aujourd’hui une catastrophe écologique, demain économique (…). L’agriculture locale est particulièrement touchée. Les récoltes sont en danger et les cultures risquent de ne pas pouvoir être sauvées.»

Fabienne Bonet, Présidente de la Chambre d’agriculture dénonce les restrictions subies par les agriculteurs depuis l’été dernier, et confirme : «on est en mode survie.» Le monde agricole est en première ligne, «derrière les pertes agricoles, il y a tout un pays, confronté à des choix difficiles», estime Jean-Paul Billès. Une situation de crise dans un domaine en proie aux doutes et qui pose la question de la récolte 2023. Pour l’heure, plusieurs agriculteurs ont déjà fait le choix de sacrifier la récolte pour tenter de préserver les arbres.

Solidarité et co-utilisation, les maîtres mots face au manque d’eau

Le Préfet, Rodrigue Furcy synthétisait avec ces quelques mots les échanges récents : «une mobilisation collective pour générer une économie substantielle». Dans une logique de «solidarité» et de «co-utilisation» de la ressource, le département semble vouloir se protéger de l’inévitable manque d’eau. Une série d’engagements, pour le moment volontaires, a été discutée par les représentants des différents secteurs. Parmi les mesures fièrement mises en avant, les terrains de golf du département prévoient de diviser dix leur consommation habituelle. Pour l’arrosage des greens, l’eau des stations d’épuration pourrait être autorisée.

Quant aux parcs aquatiques, ils garantissent la réutilisation de leurs eaux par les pompiers et s’engagent à réduire de moitié leur consommation en eau potable. Par ailleurs, l’hôtellerie de plein air prévoit une économie de 500.000 M3 sur un volume total de 20,5 millions M3. Les stations de lavage planifient aussi une réduction d’usage de 30%. Anticipant la polémique, le Préfet précise que la fermeture pure et simple de ces stations ne serait pas nécessairement synonyme d’économie. Au contraire, elle ne ferait qu’encourager l’usage illicite des jets d’eau.

Quid du tourisme ?

Brice Sannac, Président de l’Union des Métiers des Industries de l’Hôtellerie a tenu à ajouter une pointe d’espoir à la fin de la réunion. L’hôtelier-restaurateur d’encourager les visiteurs à venir dans les Pyrénées-Orientales.

«L’objectif est qu’il y ait le minimum, voire pas du tout, d’impact sur les usages de nos visiteurs. Le département reste ouvert, la saison va se faire et bien se faire, rassure le représentant de l’UMIH. On va faire tout ce travail en amont pour justement limiter certains usages qui étaient des usages de petits garçons et de petites filles pourris gâtés. On est en train de créer le département avec le tourisme le plus vertueux de France.»

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