Article mis à jour le 30 avril 2024 à 16:13
Ce dimanche 7 février, les Perpignanaises et les Perpignanais ont vu bourgeonner d’intrigantes affiches publicitaires réalisées par la mairie de leur ville. Un étonnant mélange de graphisme « un peu vieillot* », d’illustrations de banque d’images et de faute d’orthographe : « Chaque homme de Culture à deux patries : la sienne et la France« .
Une affiche réalisée « dans l’urgence » selon l’adjoint à la Culture André Bonet. Son but ? Annoncer, via une conférence de presse ce lundi, la réouverture des 4 musées de la ville par arrêté municipal le 9 février ; une volonté pour le maire frontiste Louis Aliot de prendre au mot la Ministre de la Culture. Des arrêtés qui pourraient être attaqués en justice ; comme ce fut le cas de ceux qui autorisaient l’ouverture des commerces lors du 2e confinement.
Nouvelle campagne de communication – « La ville de Perpignan soutient ses artistes »
Le service communication de Perpignan a réalisé plusieurs affiches. Celle qui a fait réagir sur les réseaux sociaux reprend une citation de l’ancien président des États-Unis, Thomas Jefferson : « Chaque homme de Culture à deux patries : la sienne et la France« . La majuscule qui s’imposerait à Homme s’efface au profit de celle concédée à Culture… À dessein ? Mais ce qui a le plus fait réagir au niveau orthographique est l’accent sur le « a ».
Alors même que la stratégie de dédiabolisation a permis à Louis Aliot de remporter la mairie de Perpignan, le mot « patrie » fait son retour sur le devant de la scène dans une communication à propos de la culture. Pourtant, en mars 2018, au moment du changement de nom du Front National en Rassemblement National, Marine Le Pen elle-même avait déclaré : « J’ai toujours préféré le mot nation au mot patrie ».
Pour Nicolas Lebourg : « Patrie est un des plus vieux mots de notre vocabulaire politique. C’est à la fin du XIIIe siècle que le mot « patrie » cesse de se référer au lieu de naissance pour désigner le royaume – qui durant ce même siècle est devenu « de France » et non plus « des Francs ». Dès le XIX siècle, dans l’extrême droite française ce mot a la préférence des modérés, car « patriotes » paraît moins agressif que « nationalistes » ».
« Maurice Barrès, grand théoricien de l’extrême droite française de la fin du XIXe siècle, récuse l’étiquette de nationaliste et répond à ses détracteurs : « Je suis un patriote » – qu’il définit par « la terre et les morts ». Une idée selon laquelle il faut être lié par la terre et le sang pour être Français ».
Nicolas Lebourg
Thomas Jefferson et Jean Jaurès artisans de la dédiabolisation douce
Pour Nicolas Lebourg, Jaurès et ici Jefferson « sont ici des moyens de formuler de façon très euphémisée, voire « politiquement correcte », que le FN se veut le défenseur de la nation, mais que son nationalisme ne serait pas une agression des autres mais une défense de la patrie » .
Concernant le choix de la citation, Nicolas Lebourg fait référence à une affiche du FN imaginée par Louis Aliot en 2009 : « On y voyait le portrait de Jean Jaurès, la citation «À celui qui n’a plus rien, la patrie est son seul bien» et en bas le slogan «Jaurès aurait voté Front national». Le message avait si bien marqué les esprits, que Marine Le Pen l’avait repris lors du congrès de Tours en 2011 se souvient Nicolas Lebourg.
Ce dernier rappelle que Louis Aliot « avait sans doute été influencé par Alain Soral ». C’était en effet lui qui avait organisé une conférence de presse pour annoncer le ralliement du polémiste au FN – à l’époque Soral ne représentait pas le symbole de l’antisémitisme qu’il est devenu. Durant la conférence de presse Soral avait lancé : « si Marx était vivant, il appellerait à voter Le Pen ».
Malgré ces éléments, Nicolas Lebourg est très critique concernant cette communication : « Citer un étranger, parlant d’avoir deux patries (alors que politiquement Louis Aliot est pour l’abrogation de la possibilité d’avoir une double nationalité) visait à adoucir à l’évidence l’étiquette RN tout en passant le message que la communication municipale parlait désormais de la France. À l’évidence, ça ne suffit pas à faire une bonne affiche ».
Sur la forme, divers communicants jugent sévèrement cette affiche
Nous avons pris attache auprès de plusieurs communicants et les retours sont très sévères. « Cela aurait été malin de mettre en avant les vrais artistes de la ville plutôt que de piocher dans les banques d’images ! ». Idem pour le choix des polices d’écriture, des couleurs, etc. Selon les communicants interrogés, « on sent le petit budget et l’équipe de com’ vieillissante ».
Les musées de la ville réouverts dès mardi 9 février
La ville rouvre le Musée Rigaud, La Casa Pairal, le Muséum d’Histoire Naturelle, et le Musée des monnaies et médailles Joseph Puig ; mettant en place un protocole sanitaire strict avant même que le gouvernement n’autorise la réouverture sur le plan national.
Les musées de la ville de Perpignan seront les seuls à ouvrir leurs portes de 11h à 17h00 dès le 9 février. Pour rappel, le 30 octobre dernier, Louis Aliot avait pris un arrêté municipal autorisant l’ouverture dès le 3 novembre « des commerces non alimentaires du centre-ville », alors même que le Premier Ministre Jean Castex interdisait leur ouverture en vertu du 2e confinement. L’arrêté du 30 octobre fut annulé en référé. Qu’en sera-t-il des 4 arrêtés autorisant la réouverture des musées ?
*Selon les communicants interrogés
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