Article mis à jour le 19 septembre 2022 à 17:46
Ils étaient tous deux non pas face à face, mais côte à côte, pour un débat autour des rugbys à XV et à XIII ce mardi 14 mai à l’Université de Perpignan. Pour le rugby à XV, Bernard Laporte, joueur, entraîneur, sélectionneur du XV français avant de devenir secrétaire d’État délégué aux sports. Il est aujourd’hui président de la Fédération française de Rugby à XV depuis décembre 2016.
À ses côtés, Marc Palanques, champion de France avec Carcassonne, ancien capitaine de l’équipe de France, co-président de Carcassonne et président de la Fédération française de Rugby à XIII depuis juillet 2016. Au delà des spécificités liées à chaque rugby, ils sont revenus sur leurs difficultés communes. Ils ont ainsi évoqué la prévention des accidents, la visibilité et la promotion du rugby, l’hégémonie des médias et le salaire des joueurs. Mais aussi leur nécessité de se structurer pour concurrencer les plus grandes nations.
♦ Deux rugbys de plus en plus proches ?
Bernard Laporte écarte cette idée. « On dit qu’aujourd’hui le rugby à XV ressemble de plus en plus au rugby à XIII. Je ne le pense pas ! Il y a des spécificités dans chacun de ces deux sports et chacun les garde. La mêlée et la conquête de balle par exemple sont des éléments essentiels du XV. Mais, les terrains n’ont pas été agrandis contrairement aux qualités athlétiques des joueurs à XV. Les qualités techniques de nos avants ont fait qu’il y a moins de place. »
Marc Palanques revient quant à lui sur l’histoire du Rugby à XIII. Un sport pratiqué à l’origine par des mineurs du nord de l’Angleterre qui visait à préserver leur intégrité physique et donc leur outil de travail. D’où la création d’un rugby plus spectaculaire avec la suppression de deux joueurs afin de créer des espaces. Tout en écartant les phases de conquêtes collectives (tels la touche, le ruck ou la mêlée ouverte).
♦ Des temps de jeu rallongés
Alors certes, comme le concède Bernard Laporte, les temps de jeu ont augmenté au rugby à XV. « Mais les mêlées et les touches usent. Donc, il n’y aura jamais autant de temps de jeu qu’à XIII. Les joueurs y laissent beaucoup de jus. Il y a effectivement de plus en plus de temps de jeu dans le rugby à XV. Il montera certainement encore un peu. Mais ne rêvons pas, à un moment, cela va s’arrêter. »
Marc Palanques défend la fibre du XIII. « Notre sport est beaucoup plus un sport de combat ! La mêlée à XIII sert à favoriser le spectacle. Il y a donc moins d’épreuves de force au niveau collectif. Mais, il est vrai que c’est un autre choix qui est fait, c’est le choix du spectacle. À treize, on a donc un temps de jeu de 70 minutes sur 80. Cela requiert des conditions physiques irréprochables. Et du coup, mathématiquement, le nombre d’actions de jeu se démultiplie. »
♦ Prévenir le risque d’accident
Marc Palanques évoque en ouverture du sujet le chiffre important que représentent les 600 plaquages réalisés par match. « Les commotions, pour la grande majorité, se produisent lors des plaquages. Contrairement à ce que les gens peuvent penser, c’est le plaqueur qui se blesse. »
« On apprend aux gamins à aller plaquer. Une série de petits pas, un menton haut, un dos droit, et décider du côté où l’on va placer la tête. Au moment du contact, le joueur va choisir son épaule et va engager la jambe du côté de l’épaule. Ce qui automatiquement va placer la tête de l’autre côté. Quand le contact est établi entre l’attaquant et le défenseur, le joueur apprend à coller sa tête pour qu’au moment de la chute, il n’ait pas sa tête qui vienne gifler le sol ».
Questionné sur les craintes parentales des jeunes licenciés, le treiziste se positionne clairement sur les dangers. « Le rugby, c’est comme les sports mécaniques ou un sport de combat. C’est un sport à risque ! Et cette notion là, il faut quelque part la comprendre et l’accepter. […] Nous avons réfléchi autour de la pathologie du rugby à XIII et à toutes les blessures qui pouvaient découler de la pratique de ce sport. À partir de là, on a décliné toute une série de gestes de premiers secours adaptés et spécifiques. Et ces gestes, on les a inclus dans toutes les formations. »
♦ Des médias très influents
Selon le président de la fédération à XV, les accidents se produisent chez les joueurs professionnels. Et le rôle propre de la fédération, en tant que législateur, est de veiller à la sécurité maximale des joueurs. Mais, Bernard Laporte s’en attriste, « l’an dernier, on a eu 3 accidents terribles. Et le problème se situe au niveau des espoirs ».
Avant d’évoquer une part de responsabilité collective et de fustiger les médias : « Quand on voit à la télévision 10 fois d’affilée le ralenti du même K.O. S’ils pouvaient le mettre 50 fois, ils le feraient… Ça n’aide pas à la promotion de notre sport. Et, des fois, je me demande si on travaille ensemble ! ».
Des médias prépondérants également dans les budgets des fédérations. Comme le détaille Marc Palanques, « Bernard Laporte reçoit des droits TV. Nous, nous payons la production pour passer à la télévision. Vous vous imaginez le delta ? On me demande 30.000 € par match pour la diffusion d’un match de l’équipe de France ou pour une demi-finale. C’est inextricable ! Qui dit pas de télé, dit pas de vision. Qui dit pas de vision, dit pas d’intérêt des médias. »
♦ Des joueurs trop payés ?
En Top14, le salaire moyen est d’environ 20.000 € mensuels pour un joueur. Jusqu’ou aller ? Même si c’est un sujet qui relève plus de la ligue que de la fédération, Bernard Laporte n’élude pas le sujet.
« Les gens disent qu’ils gagnent trop d’argent. Alors jusqu’où peut-on aller ? Jusqu’à ce que les télévisions disent : ça vaut plus ! Et si ça vaut moins, alors les salaires vont baisser. Car c’est cela l’économie et les salaires des joueurs. Tu regardes les droits TV et je vais te donner le salaire moyen du joueur de cette ligue. C’est une évidence…
1,3 milliards de droits TV dans le football ! Tu t’imagines bien que ce n’est pas 20.000 € de salaire mensuel pour les joueurs. Nous, nous sommes à 96 millions de droits TV. L’économie dans tous les sports vit des droits. Dans le rugby, c’est 20% d’un budget d’un club. Dans le football, pour certains clubs, c’est 60-70%. »
L’ex-secrétaire d’État revient sur le projet de Fairplay financier et le fond d’une discussion avec Michel Platini et Jacques Vendroux. « Je pense que c’est quelque chose qu’il faudra commencer à regarder. Je comprends que certains clubs soient pénalisés quand ils ont en face un milliardaire. Toulon est aujourd’hui le club qui compte le plus de partenaires avec 600 partenaires. Et, il a aujourd’hui en face de lui 3-4 milliardaires qui ont un budget plus important que lui. »
Avant de conclure : « Est ce que c’est logique ? Je ne sais pas ! Mais, je dis qu’il serait pas mal de limiter l’investissement des actionnaires dans un club. Ça apporterait plus de justice et plus de logique. »
♦ Une équipe commune à sept ?
Pour Marc Palanques : « On pratique le rugby à sept. Mais, on glisse doucement mais sûrement vers le rugby à neuf, car c’est plus cohérent au niveau du nombre de joueurs par rapport à la taille du terrain. Le neuf nous permet de préparer plus de joueurs, et de se rapprocher du rugby que nous voulons pratiquer. » Le président de la fédération évoque au passage la coupe du monde de Rugby à neuf à Sydney en octobre prochain. Un déplacement financé par les instances internationales pour 16 joueurs et le staff. Une opportunité pour la France de greffer au voyage dix joueurs de plus, et ainsi réaliser 3 test-matchs à XIII et préparer l’objectif de la demi-finale en 2021.
Mais l’idée d’une équipe commune séduit Marc Palanques qui n’hésite à tenter l’allusion historique. « Si la fédération française de Rugby à XIII peut apporter sa contribution à l’idée d’aller piquer une médaille, j’y suis totalement favorable. Et pourquoi pas imaginer faire ce que les 2 Corées ont réussi à faire ! »
♦ Hausser le niveau national
Selon Bernard Laporte, il faut aujourd’hui arrêter de rigoler. Comparant même les grandes nations à des armées. Pour mieux faire comprendre le fossé qui sépare l’équipe de France de certains adversaires, le président évoque une anecdote piquante.
« J’étais amoureux de l’entraîneur des Australiens champions du monde en 1999. En 2000, on bat les Anglais et il m’envoie un message de félicitations. Je le remercie et lui répond que je vais venir en Australie, et que j’aimerais bien voir comment ils travaillent. J’ai passé 3 jours chez lui, et là je me suis dit : il y a un problème ! L’équipe de France était entraînée par 2 personnes. Je suis arrivé là-bas, il y avait 15 mecs pour coacher l’équipe d’Australie !
De retour en France, en comité directeur, il est évoqué la nécessité d’un spécialiste pour la défense. Un ancien joueur s’exclame: « tu diras à Bernard que si les mecs ne savent pas plaquer en équipe de France, faut pas qu’ils viennent jouer ».
Bernard Laporte revient ensuite sur le retard des Bleus et la « mouise » auxquels les tricolores sont confrontés depuis 10 ans. « Mais je le dis, jamais l’équipe de France n’a eu un staff aussi compétent et aussi nombreux que celui qu’elle va avoir pour 2019-2023. »
♦ La fin de la guerre des rugbys ?
Selon Bernard Laporte, « ces guerres sont dépassées, Le rugby à XV restera le Rugby à XV. Et le rugby à XIII restera le rugby à XIII. Chacun avec ses points forts et ses points faibles. La guerre, je la ferai peut-être un jour avec la maladie. Il n’y a que celle-là qui me fait peur. J’ai pas de guerre à mener avec les autres. Que chacun fasse bien sa vie et que chacun se respecte. C’est aussi simple que cela. »
De son côté Marc Palanques évoque l’exemple de la fédération française de ski qui regroupe en son sein quatre entités (ski alpin, snowboard, ski de fond, biathlon). Tout en étant vigilant sur ce principe structure fédérale, avec en arrière-fond la crainte de se faire dévorer par le XV. Avant de conclure que l’idée était « tout sauf une idée stupide ! ».
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