Article mis à jour le 11 janvier 2024 à 11:04
Comment se mesure l’attractivité d’un territoire ? Quels arguments pour convaincre les entreprises de créer de la valeur ajoutée sur son territoire ? Les 300 jours de soleil affichés par Perpignan la rayonnante attirent-ils les patrons autant que les retraités ? Échange avec Agnès Langevine, vice-présidente de la Région Occitanie, et Pascal Ehrhardt, responsable du département attractivité tourisme et nautisme auprès de l’agence de développement économique d’Occitanie (Ad’Occ). Sans oublier la problématique du recrutement sur laquelle Patrick Martin s’est exprimé. Le vice-président du Medef* était en visite dans le département à l’invitation de l’UPE66 (Union pour l’entreprise).
♦ « Dans les Pyrénées-Orientales, les grands sites industriels ont disparu, mais il y a des opportunités de développement »
Vice-présidente de la Région, Agnès Langevine se remémore les grands sites industriels disparus du Vallespir, axés sur l’agroalimentaire, le travail du fer ou du textile. « Évidemment, nous n’avons pas le même écosystème que Toulouse ou Montpellier ». Cependant, selon l’élue régionale, il y a une réelle volonté de faire ce travail d’implantation, de développement, voire de préservation de l’emploi sur l’ensemble de l’Occitanie ; prenant l’exemple de Tarbes ou de Mende. « Sur les Pyrénées-Orientales, il ne faut pas le cacher, il y a moins de demande d’implantation ; pour autant Ad’Occ travaille au développement de plusieurs grands secteurs industriels déjà implantés localement ».
♦ Développer l’emploi intra-régional
Parmi les exemples d’implantation, Agnès Langevine et Pascal Ehrhardt rappellent l’exemple de Windelo. L’entreprise installée à Canet-en-Roussilon construit des catamarans. Depuis 2019, elle a créé 35 emplois. Au-delà de l’implantation exogène, Pascal Ehrhardt rappelle les succès de développement d’entreprises au sein de la Région Occitanie. « Computacenter est une entreprise déjà installée à Montpellier. Depuis son arrivée, nous rencontrons son responsable tous les ans. Et il nous disait vouloir ouvrir un nouveau site. De notre côté, nous savions avoir des disponibilités en termes de bureaux au Centre del Món. Nous lui avons proposé cette option, et il a adhéré à l’idée. D’un projet local, nous avons créé un projet régional. Désormais, ils ont aussi un nouveau site à Toulouse ».
Pascal Ehrhardt de citer l’exemple de Diam Bouchage qui compte 215 emplois à Céret. « L’entreprise nous avait évoqué son intention de monter une unité de production, mais en Espagne. Nous sommes allés sur place et nous avons pu mettre en place un montage avec l’État. Nous avons réussi à développer l’emploi sur le territoire ».
♦ Préserver l’emploi industriel est « un travail de longue haleine, et non un coup de chance »
Le volet préservation de l’emploi est primordial selon Pascal Ehrhardt. Pour Agnès Langevine, « le job de l’agence est aussi d’aider les entreprises à maintenir l’implantation en Occitanie ». Un volet rendu possible par la proximité de l’agence avec les entreprises du territoire insiste de responsable d’Ad’Occ.
« Notre rôle est de suivre les entreprises du territoire. Et on les connait bien, parfois depuis 10 ou 15 ans. Surtout celles considérées comme de grands comptes ». Pascal Ehrhardt revient sur le cas de l’entreprise de réparation aéronautique New EAS, en difficulté chronique, et mise en redressement judiciaire en 2019. « Nous connaissions bien les difficultés de EAS, on savait que cette entreprise qui comptait 228 salariés avait du mal« .
En parallèle, Ad’Occ, suivait Sabena, spécialisée dans la maintenance aéronautique à Nîmes. « Le patron de Sabena nous avons évoqué ses projets de développement en Occitanie. Nous lui avons parlé des difficultés de EAS à Perpignan et nous l’avons très rapidement mis en relation avec le tribunal de commerce de Perpignan. En moins de 2 mois, ils se sont rencontrés et on a pu limiter la casse ». En effet, dans l’opération 60 emplois ont disparu.
♦ « Les boîtes qui viennent s’implanter, c’est un fantasme »
« Tout ce qui vient de l’extérieur, c’est important. Mais le plus gros volet de notre activité est d’accompagner les entreprises déjà implantées. Au final, 80% ou 90% des résultats qu’on a sur une région se fait grâce au local.
Les boîtes qui viennent s’implanter, on en rêve tous ; mais au final, ce sont surtout les projets territoriaux qui créent de la valeur ajoutée quand ils se développent.
Alors oui, on va draguer à l’extérieur pour attirer des entreprises sur notre territoire. Bien évidemment il nous faut ramener du sang neuf, mais il ne faut surtout pas oublier ce que l’on a déjà localement. Du sang neuf oui, mais pas pour tuer les entreprises déjà implantées. Au contraire, il faut qu’il y ait une synergie avec les nouveaux projets et les entreprises déjà sur le territoire. Sinon, ce serait idiot économique, socialement et humainement ».
♦ « Il faut anticiper les demandes et être prêts »
Pascal Ehrhardt de rappeler les ordres de grandeur des projets industriels. « Chaque année, 1.400 entreprises industrielles ont un projet d’implantation en France, 300 à 400 en région Occitanie« . Et sur les Pyrénées-Orientales ? Il y a 25 à 30 dossiers d’installation pour notre département. Selon Pascal Ehrhardt, « Perpignan a de nombreux atouts, le bassin d’emploi est bon, on a des infrastructures routières autoroutières et ferroviaires, les ports à proximité ».
Les Pyrénées-Orientales sont plus attractifs que l’Aude par exemple. Où on a moins de demande ». Il cite le cas de cet industriel espagnol qui souhaite s’installer de ce côté des Pyrénées. Ce patron catalan fabrique des protections hygiéniques et cherche actuellement un site qui pourrait correspondre à son cahier des charges. Un site que l’agence Ad’Occ a du mal à trouver. « Le problème c’est qu’ils veulent tous un terrain génial, un bâtiment parfait et le tout pour demain matin !« . Pour les bureaux, c’est plus facile, concède Pascal Ehrhardt ; mais pour les projets industriels, parfois la négociation peut durer 3 ou 4 ans avant que l’entreprise ne dépose son permis de construire.
Pour tenter de réduire ce délai, la stratégie de Carole Delga est de créer des OZE, (Occitanie Zones Économiques). « L’objectif est de préparer les zones d’implantation pour que les industriels qui arrivent n’aient plus qu’à déposer le permis de construire ». La première OZE des Pyrénées-Orientales devrait voir le jour à Rivesaltes. « C’est un site grand, plat et très attractif pour les futurs industriels ». Mais parfois, c’est du côté des élus que cela coince. Surtout quand le potentiel projet entraîne des nuisances pour les riverains. « C’est totalement compréhensible. Pour les élus, l’objectif est de ramener de l’emploi ; pas de mécontenter la moitié de leurs administrés ».
♦ « Notre métier, c’est de la séduction »
« Sur tous les projets d’installation, 40 ou 50 vont choisir la Région Occitanie. Il y a beaucoup d’écrémage. Quand une entreprise regarde la France, elle ne regarde pas que l’Occitanie. Elle démarche aussi la Région Paca, la Nouvelle Aquitaine ou Clermont-Ferrand.
C’est pour cela que nous devons être très réactifs. Quand une entreprise veut s’installer, tous les élus veulent que ce soit sur leur territoire ».
Pour Windelo, le cahier des charges indiquait un terrain de 1 hectare et un bâtiment de 4.000M2. La Région et Perpignan Méditerranée Métropole ont répondu rapidement à l’attente de l’industriel. « Notre métier, c’est vraiment de la séduction, de la confiance et du professionnalisme. La Région, et la Métropole ont pris des engagements très rapidement. Chacun a amené sa compétence. Le patron doit se sentir en confiance. »
La Région amène souvent un accompagnement financier. Mais parfois, son rôle se limite à de la mise en relation ou du conseil. Pour Computacenter, le plus gros du travail s’est fait avec Pôle Emploi. « L’inquiétude de l’entreprise était d’être certaine d’avoir la qualification sur place ».
♦ Les difficultés d’embauche ? La parole à Patrick Martin, vice-président Medef
Patrick Martin était invité par l’UPE66. Pour lui, les difficultés d’embauche sont un réel frein à la croissance qui repart.
Selon le chef d’entreprise, il y a plusieurs explications et plusieurs solutions, à court terme, mais aussi à moyen, long terme. Pour le court terme, le patron mise sur la réforme de l’assurance chômage intervenu début octobre 2021.
« Nous sommes très favorables à la réforme de l’assurance chômage. Le Medef est convaincu que cette réforme va faire revenir vers l’emploi certains qui aujourd’hui jonglent entre les périodes de chômages et d’emploi. Nous pensons que 100.000 à 300.000 personnes vont revenir vers le marché du travail. Cela va, en partie régler les problèmes de recrutement ».
Pour le moyen et le long terme, l’entrepreneur admet un réel problème dans la formation.
« Trop de jeunes, de familles, trop d’enseignants qui ne mesurent pas quels sont les secteurs qui offrent les débouchés professionnels et ceux qui sont en tension. Aujourd’hui, c’est le bâtiment, l’aide à la personne ou la santé. Au contraire, il y a des secteurs qui périclitent.
L’avenir des caissières de supermarché n’est pas radieux ! Il faut dire les choses comme elles sont. On a une responsabilité collective sur ce sujet. Il faut aussi expliquer, le plus en amont possible, aux familles, aux enseignants et aux jeunes, l’évolution du marché du travail. Afin que ces jeunes choisissent des filières et des formations qui leur permettront de trouver du boulot le jour venu« .
*Medef : Mouvement des entreprises de France
Image de UNE : Le brasseur Cap d’Ona choisit d’investir une friche industrielle à Ceret.
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