Article mis à jour le 10 mars 2023 à 14:08
Le Mémorial du Camp de Rivesaltes accueillera du 20 novembre au 24 mai sa nouvelle exposition temporaire Mémoire Rom. Créée suite à des années de recherche sur le Génocide des Roms, elle est composée de témoignages et de récits. Plongé dans l’univers rom, le visiteur découvre la culture de ce peuple nomade.
Intitulée Mémoire Rom, 70 ans après, les survivants du génocide racontent, cette exposition donne accès à des témoignages poignants. Recueillir cette mémoire rom permet de la partager avec un public très large. Ces témoignages ont également pour initiative de mettre un terme aux préjugés et aux discriminations que connaissent les Roms aujourd’hui encore.
♦ Le destin des Roms de l’Europe de l’Est retracé de l’avant-guerre à leur assassinat…
« Roms ou Tsiganes, ces hommes et ces femmes, avant d’être un problème, sont une des sociétés, une des cultures, une des humanités de l’Europe, avec la force, l’épaisseur, la complexité, la richesse, la fragilité de toute humanité – et le même droit au respect. » (Patrick Williams, ethnologue)
L’exposition aborde le destin des Roms de l’Europe de l’Est à travers quatre étapes : l’avant-guerre et la diversité des groupes roms, l’arrestation, la déportation et l’assassinat des Roms. Le public découvre des photographies d’époque, des portraits de survivants, des extraits vidéos ainsi que des textes historiques.
« L’anthropologie des Tsiganes est la découverte d’une diversité (…). Le seul trait commun est peut-être la stigmatisation négative dont ils sont l’objet accompagnée, paradoxalement, d’un romantisme de liberté. » (Leonardo Piasere, anthropologue)
♦ Mémoire Rom – Le récit glaçant des survivants à la déportation
En Roumanie et en ancienne République yougoslave de Macédoine, les survivants livrent le récit de leur déportation.
La famille de Gheorghe possédait une caravane et des mulets, ce qui leur permettait de voyager à travers la Roumanie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la famille a été déportée. Elena, sa mère a été fusillée par un Allemand avant d’arriver au camp. « Avant la guerre, on n’avait pas de maison. On allait de village en village. »
Soumis à des travaux forcés après avoir été arrêtés par des gendarmes, Damienta et Ilie ont vécu dans des trous à même la terre. De nombreux membres de leur famille ont été tués durant la déportation. « Les personnes faibles qui ne pouvaient plus avancer étaient fusillées par les Allemands. »
La famille de Leana a été déportée et enfermée dans un champ clôturé par des fils barbelés. Les Roms y mouraient par centaines. Les causes : le froid, la faim et le typhus. Leana a perdu sa mère et ses frères lors de cette période. « On marchait sur les cadavres dans le camp. »
♦ Le camp de Rivesaltes témoin de l’internement des Roms
En Ukraine, en Russie et en Biélorussie, ce sont les témoignages des villageois qui apportent un œil nouveau sur le destin des familles massacrées.
Alexandra a été détenue plusieurs semaines au camp de Moglino avec toute sa famille. Elle a ensuite été déportée, seule, en Pologne. Elle retrouvera sa mère après plusieurs mois passés dans un orphelinat en Ukraine. « Les policiers entraient dans chaque maison et faisaient sortir toute la famille dehors où des camions nous attendaient. »
Pour cette exposition, le choix du lieu est symbolique puisque entre le 15 janvier 1941 et le 25 novembre 1942, 1.334 hommes, femmes et enfants, issus de communautés tsiganes, ont été internés au camp de Rivesaltes. Camp d’internement puis centre de dépôts des prisonniers de guerre et camp de transit, ce lieu a accueilli des milliers de personnes considérées comme indésirables. À travers cette nouvelle exposition temporaire, le Mémorial du Camp de Rivesaltes a souhaité leur rendre hommage.
♦ Des récits de témoins fondateurs de l’exposition « Mémoire Rom »
L’histoire du génocide des Roms est méconnue. Ils sont pourtant des milliers à avoir été assassinées entre 1941 et 1944. Persécutés par les nazis et leurs collaborateurs, les Roms étaient bien souvent fusillés sous les yeux des autres villageois. Ce sont les récits de ces témoins qui ont permis de mettre en lumière ces crimes et de créer cette exposition.
Cette exposition est portée par le Père Patrick Desbois, un prêtre catholique. C’est le président fondateur de Yahad – In Unum. Cette association a pour initiative de recueillir des témoignages de survivants ou de témoins qui résident en Europe de l’Est. Ce sont désormais plus de 360 survivants roms et plus d’une centaine de témoins qui ont été interviewés.
Le Père Patrick Desbois est un homme qui a consacré sa vie aux victimes oubliées des génocides : les Juifs d’Europe de l’Est, les Roms et les Yézidis. Ses recherches sur les massacres des Juifs et des Roms ont commencé en 2004. Il est l’auteur de plusieurs romans, dont le dernier « La Shoah par Balles », qu’il considère comme « le modèle des crimes de masse moderne ». Son engagement lui a permis de remporter de nombreuses distinctions.