Article mis à jour le 18 mai 2023 à 13:23
Quelques jours avant Noël dans un café bondé de la Place République, la rédaction junior de Made In Perpignan a rencontré Nasdas et Némir, deux figures emblématiques du quartier Saint-Jacques.
Pour leur premier sujet de l’année, Clara Malavergne, lycéenne à Céret, ainsi que Célia, Maryam et Sarah ont choisi de s’intéresser à Saint-Jacques. Et qui de mieux pour en parler que Nasdas, le premier snapeur de France, et Némir célèbre rappeur ; tous deux natifs et habitants de ce quartier tant fantasmé.
Némir : « Il y a ceux que le quartier Saint-Jacques attire et ceux qu’il repousse »
Pour moi Clara qui ne vit ni à Saint-Jacques ni à Perpignan, je n’ai toujours entendu que des mots tels que « saleté », « drogue », « violence », « pauvreté » à l’évocation de ce quartier. Les gros titres affichent en rouge une image dégradante pour Saint-Jacques, très éloignée des paroles de Némir et Nasdas. Loin des rues commerçantes du centre-ville, le quartier Saint-Jacques montre une autre ambiance.
Némir – « Ça a toujours été dit. Et à la limite, je m’en moque. Parce que, ça a toujours été comme ça. Ça n’a pas changé grand-chose. Quoi qu’on dise, il y a ceux que le quartier attire et ceux que le quartier repousse. Je ne pense même pas que le problème soit réellement là. Ce n’est pas la rumeur ou ce que pensent les gens, je crois que ce qui ghettoïse, c’est le manque de moyens, et pas ce que l’on dit du quartier. Je pense que même si on avait mis 1 million d’euros pour que le quartier s’améliore, on continuerait à dire qu’il est dangereux ».
Nasdas – « Sur le nettoyage, tout le quartier va devoir se concerter et faire son autocritique. Si tu veux avancer dans la vie, il ne faut pas donner aux autres l’occasion de te critiquer. Mais le plus gros challenge, même pour nous, c’est de changer les mentalités et les comportements. Mais petit à petit, on est de plus en plus à interpeller quelqu’un qui jette un truc par terre. Juste avec ce genre de petits gestes les choses vont évoluer. Je commence à le constater un petit peu. Parce que les gens commencent à prendre les bons réflexes ».
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Némir : « Ce n’était pas le même Saint-Jacques qu’aujourd’hui »
Le chanteur Némir se souvient de son enfance dans le quartier. Dans nos échanges, revinrent souvent ces évocations d’un quartier plus animé, plus vivant et avec plus de services publics.
Némir : « Moi, ma mère était femme de ménage, elle travaillait chez des gens qui vivaient dans des quartiers riches. Des fois, je l’accompagnais au travail ; je voyais ce que je ne voyais pas dans mon quartier. Ça me permettait d’avoir un regard plus grand. J’étais au collège Jean Moulin. Il y avait des classes normales et des classes spécialisées en musique. Avec sociologiquement, des gens de tous horizons, de toute classe sociale (…).
J’ai grandi dans un quartier ou il y avait un centre aéré, (…) un club de foot, et une école primaire. Il y avait aussi le centre loisirs des jeunes animé par les flics du commissariat de Bétriu. Ce n’était pas le désert comme aujourd’hui. Avant, on était confronté à beaucoup plus de mixité. Aujourd’hui, le quartier fait plus peur, et il y a plein de parents qui ont peur. » Némir se remémore le côté multiculturel de sa rue d’enfance, la diversité des familles qui y habitaient.
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Nasdas : « Je veux finir ma vie attablé devant un café à 1 euro et observer les gens »
J’ai été particulièrement surprise par la générosité du premier snapeur de France. Et des actions de Nasdas pour améliorer le quotidien des habitants.
Nasdas : « Je ne veux ni richesse, ni argent. Je veux la foi envers Dieu, le bien de mon quartier et basta. Moi je n’aime pas parler de chiffres, mais là c’est le réveillon de Noël. Et ça va me coûter 16.000€. 6.000€ de décorations, et le reste de cadeaux. Je gagne bien ma vie ; même si je pouvais le garder pour moi, je donne tout. J’ai créé une association. (…) pour faire sortir les jeunes du quartier, leur faire découvrir de nouveaux horizons. Mais pas comme quand j’étais petit. À l’époque, on nous amenait à la piscine, mais sans un réel objectif. Non, moi je veux les amener faire une plongée sous-marine pour apprendre quelque chose à chaque sortie.
Car, oui si on organise une sortie à Port Aventura, ils vont s’amuser ; mais ils ne vont pas apprendre grand-chose. Parce que malheureusement, ils ne vont pas à l’école. Et si on peut associer l’apprentissage aux loisirs, je suis l’homme le plus heureux du monde. En plus, on travaille à faire venir une franchise de restauration rapide pour créer de l’emploi pour les gens du quartier. Et d’ailleurs, on cherche déjà 20 personnes parce qu’on va ouvrir 24h/24h. On est en train de créer nos propres sociétés, mais aussi de faire en sorte que des marques connues s’installent ici. Toujours dans l’objectif de créer de l’emploi ».
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« Il faut juste créer de l’envie, ouvrir d’autres perspectives que le RSA »
Pour moi, l’influence de Némir et Nasdas sur les jeunes est étonnante. Quand Nasdas maîtrise les codes et les plateformes où les jeunes passent leur temps pour les interpeller et échanger, le parcours artistique de Némir inspire.
Nasdas : « J’ai beaucoup de jeunes qui, en me suivant, se sont dit qu’il fallait qu’ils apprennent à lire et écrire. Cinq d’entre eux, parce qu’ils sont super intelligents, ont appris à lire en un temps record. Ils sont encore sur les bases, mais nous suivent sur Twitch, envisagent même de devenir influenceurs pour gagner de l’argent. On pourra remuer ciel et terre, ils resteront comme ça sauf si on crée des envies, des ambitions. Il faut leur montrer un minimum d’avenir. Ok, le RSA c’est bien, mais il y a d’autres perspectives dans la vie. Je connais la mère de chaque petit, je connais leurs prénoms et ce que chacun d’entre eux aime ou pas. Il y a 300 gosses de 6 à 17 ans. Si tu leur crées une envie, ils apprennent à lire et à écrire, et le reste viendra ».
Némir : « Mais tu imagines comment tu es vulnérable auprès de la société quand tu ne sais pas lire et écrire ? Tu imagines la fragilité de ces gens ! ». Si Nasdas influence sur Snapchat, Némir reste attaché au quartier et son parcours fait rêver les jeunes. « Même millionnaire, j’habiterai toujours par là. Je suis un mec du centre-ville, un vrai citadin. J’ai besoin de me lever avec des cris, avec du bruit avec la vie ».
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