Article mis à jour le 21 décembre 2024 à 14:22
Dès le printemps 2024, les 4.500 avocatiers de Baho, Pézilla-la-Rivière ou Villemolaque représenteront la plus grosse production d’avocats bio de France. François Pelras n’est pas peu fier à l’idée de déguster un guacamole concocté grâce aux avocats bio de la ferme de son fils Jean-Rémy.
L’ancien agriculteur, reconverti dans l’agrivoltaïsme, a déjà ses arguments tous prêts pour répondre à ceux qui lancent des cris d’orfraie. « L’avocat sous serre consomme moitié moins d’eau que les abricots cultivés en plein champ », rétorque François.
« Nos avocats bio sont complètement autonomes en eau »
Alors que cette plante originaire des zones tropicales et sub-tropicales du globe est décriée pour son besoin en eau, François l’affirme, en poussant sous serre, ses besoins seraient réduits. De sa voix rocailleuse, le chef d’entreprise annonce que pour un kilo de ses avocats bio, 500 litres d’eau par an sont nécessaires. Quand bien même, le département vit depuis plus de deux ans une sécheresse historique. Alors comment le fondateur d’Eneragri entend-il apporter l’eau suffisante pour déguster son guacamole ?
Depuis plus de huit ans, cet ancien maraîcher a fait le choix d’investir dans l’agrivoltaïsme, mais pas seulement. François se remémore l’époque où avec son frère Jean-Paul, puis son fils Jean-Rémy, faisaient du maraîchage sous serres traditionnelles. « On avait des problèmes de trésorerie, et avec mon fils on a vu ce concept. On a décidé de se lancer. Et trois ans plus tard, on sortait notre premier projet !»
S’il assume de profiter de la manne de l’énergie décarbonée du soleil, François le répète haut et fort, « notre combat est avant tout de faire de l’agriculture ». Il ne s’agit pas de produire de l’énergie solaire pour le profit, mais bien d’apporter une solution à l’agriculteur ou l’agricultrice qui veut réduire les risques climatiques sur ses cultures.
« Au départ, ce bassin pour collecter les eaux pluviales nous a été imposé. Quand nous avons vu toute cette eau, on s’est dit qu’elle pourrait servir à arroser les avocatiers.» Qu’à cela ne tienne, aujourd’hui les 17.000M2 de toiture du tout nouveau site de Baho captent l’eau de pluie qui dévale vers le bassin. Le précieux liquide est ensuite remonté à l’aide de pompes pour alimenter les avocatiers via une poche installée près des serres.
Le lendemain de notre visite, entre 5 et 30 mm d’eau ont arrosé les Pyrénées-Orientales. Un bienfait qui, selon François, a permis de collecter 200M3 d’eau dans le bassin de Baho.
Des filets pour en finir avec la mouche des cerisiers ?
De Baho à Pezilla-la-Rivière en passant par Ille-sur-Têt ou Thuir, les serres se suivent mais ne se ressemblent pas. Certaines sont en verre, en plastique, d’autres sont coiffées de panneaux photovoltaïques. Celles de François ont des filets en guise de parois. Si leur toiture est équipée de panneaux dont la disposition est adaptée à la culture, les parois en filets dits « insect-proof » protègent les cerisiers ou les figuiers. François a découvert cette innovation en Israël. Ces filets permettent de réduire la température de 4 à 5 degrés en été, et de gagner 3 à 4 degrés en hiver ; et surtout de protéger les cultures des insectes.
Les panneaux solaires d’Eneragri sont posés sur des structures (serres, filets) qui elles-mêmes protègent les cultures et pas seulement en faisant de l’ombre, revendique le chef d’entreprise. En effet, l’objectif d’Eneragri est de proposer à l’agriculteur un projet clé-en-main. Protéger de la grêle, des petites gelées et même des insectes ravageurs. Mais pas seulement, les toitures réalisées avec les panneaux photovoltaïques récupèrent l’eau de la pluie. François a l’œil qui pétille quand il nous présente le bassin collecteur des eaux de pluie sur son tout nouveau projet à Baho.
Depuis 2023, Eneragri mène une étude avec les cerisiers. Surmontée de panneaux photovoltaïques, la structure au-dessus des arbres permet, au moment où le fruit est le plus vulnérable face à la mouche Drosophila suzukii, d’abaisser les filets qui empêchent le ravageur d’atteindre les fruits. «Nous avons ce site expérimental depuis 2020.» Idem du côté des figues, attaquées par la mouche Silba adipata. Là aussi, François et Jean-Remy font pousser des figuiers sous ce dispositif qui évite l’utilisation des pesticides.
Eneragri dénonce les serres alibis
Mais si l’agrivoltaïsme est un tel bienfait, pourquoi soulève-t-il tant de contestation ? Selon François et son responsable com’, Vincent Pujol, ceux qui sont contre s’inquiètent surtout pour le paysage. Mais pas seulement, «aujourd’hui, on subit la mauvaise image liée aux serres alibis qui se sont beaucoup développées il y a quelques années», précise Vincent Pujol. Mais alors, quid de ces serres alibis ?
Depuis plusieurs années, les terres agricoles se parent de ces panneaux qui transforment l’énergie solaire en électricité et parfois, l’agriculture n’est qu’un alibi. En clair, certains ont fait le choix d’exploiter les terres agricoles avec des projets rémunérateurs mais ne produisent plus aucune culture. Et c’est cela que dénonce le duo, fier d’annoncer que dès le printemps 2024, les 4.500 avocatiers des Pelras représenteront la plus grosse production d’avocats bio de France. De quoi répondre à la demande des Français qui sont, en Europe, les plus gros consommateurs de ce fruit, le plus souvent en provenance d’Israël, du Mexique, d’Espagne ou d’Afrique du Sud.
Au final, Eneragri investit parfois plusieurs millions d’euros dans un projet, financé grâce à la revente des kilowatts à EDF. Puis, elle loue gratuitement l’ensemble du dispositif à un agriculteur pour produire une culture bio. L’agriculture biologique est une des demandes de la société quand elle fait un deal avec un ou une agricultrice. Si ce dernier ne doit rien payer pour exploiter serres et terres, Eneragri entend garder un œil sur la culture. En effet, «on ne conçoit pas de faire de l’énergie propre avec du Roundup de partout», s’emporte François.
Des poches pour stocker l’eau de là-haut
Si François est heureux de nous présenter ses avocats ou ses serres, il ne tarit pas d’éloge sur cette dernière trouvaille qui permet de stocker l’eau dans d’immenses poches à même le sol. Ces réservoirs collectent l’eau pluviale via des bassins de rétention. Dès lors, des tuyaux acheminent l’eau vers les plants, le tout étant piloté par des sondes. Ainsi, chaque avocatier reçoit la juste quantité d’eau nécessaire, ni plus ni moins, confirme l’agriculteur. À Baho, c’est Vincent qui cultive les jeunes avocats. Si son bassin est vide pour le moment, la poche est quant-à-elle encore pleine et permet d’arroser ses plants. Mais désormais, l’agriculteur espère avec hâte que la pluie vienne à nouveau ruisseler sur les panneaux pour remplir le réservoir.
Quand on questionne François sur le choix de l’avocatier, qui reste malgré tout gourmand en eau, il s’emporte : « Oui c’est vrai, je pourrai mettre des figues de barbarie, donner l’eau que je récupère et moi mourir de faim. Mais j’essaye de répondre à un marché. »
Depuis le début de la sécheresse, Eneragri envisage désormais de développer son principe de collecte et stockage des eaux de pluie pour aider les communes ou les pompiers. Mais encore faut-il que ses projets soient validés par la Direction départementale des territoires et de la mer. «Actuellement, nous avons 19 projets en attente, et ça n’avance pas», grommelle François. Le chef d’entreprise espère également que le préfet viendra faire la visite de ses installations pour développer son concept de retenue d’eau.
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