Article mis à jour le 13 janvier 2023 à 08:35
Le constat est clair, et Emmanuel Macron s’en était ému en juin 2018 : « on met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens sont quand même pauvres ». Que dire de la situation vue des Pyrénées-Orientales ? Un département qui truste régulièrement les premières places du classement en matière de pauvreté.
21,4% de taux de pauvreté dans les Pyrénées-Orientales, 32% pour Perpignan, contre 14% au niveau national. Dans notre département, plus qu’ailleurs, les mesures issues du plan pauvreté sont attendues avec impatience. Seront-elles à la hauteur de l’énorme chantier ? Retour sur la 3e conférence régionale des acteurs de la lutte contre la pauvreté qui s’est tenue à Torreilles.
♦ La misère est tout aussi pénible au soleil pour Marc Médina
C’est en substance les mots prononcés par le maire de Torreilles qui accueillait les 200 participants de la conférence. Médecin et maire de la commune, Marc Médina donnait le ton avec son introduction rappelant la situation vécue dans notre territoire. Avec « une pauvreté qui se conjugue au pluriel« . Et face à laquelle « l’incantation des valeurs et des bons mots ne suffisent pas à nourrir l’enthousiasme des équipes et à remplir le ventre de nos affamés ».
En 2019, l’Occitanie s’est vue dotée d’une enveloppe de 10M€ pour lutter contre la pauvreté, cette enveloppe devrait évoluer pour atteindre 17M€ en 2020.
Le conseil départemental, chef de file des solidarités dans les Pyrénées-Orientales, a signé avec l’État une convention qui prévoit un budget de 1,680M€. 755.000€ apportés par l’État et le complément étant à la charge du département. La présidente socialiste du département de faire un rapide calcul. « Il s’agit de 1,15% du budget du Revenu de Solidarité Active, 145M€. C’est important de le faire, mais je ne crois pas aux miracles ! Cela ne va pas permettre d’aider tous ceux qui sont dans la difficulté ».
♦ Parmi les objectifs du plan pauvreté, remettre l’emploi au cœur des publics accompagnés
Malgré l’absence d’Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté (pour cause de mouvements sociaux), Amine Amar a évoqué la stratégie du plan pauvreté. Le haut-commissaire à la lutte contre la pauvreté en Occitanie a décliné la stratégie nationale de l’État.
« Une triple mission : organiser la concertation, coordonner la préparation de la stratégie et suivre sa mise en œuvre. Plus de 7.000 acteurs sont mobilisés dans le déploiement de cette stratégie dans toutes les régions. Et la quasi-totalité des départements est engagée aux côtés de l’État à travers les conventions de lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi ».
Amine Amar l’a martelé, l’un des objectifs principaux est de remettre l’emploi au cœur des publics accompagnés. En clair pour sortir de la pauvreté, la clé est dans l’emploi. « Notre conviction est que non seulement nul n’est inemployable, mais que tout le monde est employable ».
Il a également décliné les ambitions du Service Public de l’Insertion (SPI). « Mettre en place un système plus juste, plus simple, plus universel, qui combat le non-recours aux aides et qui accompagne vers l’activité ». Il a également insisté sur « l’exigence d’efficacité pour donner la priorité aux dispositifs d’accompagnement qui ont fait leur preuve ».
♦ Lutter contre les « ventres vides » à l’école et les bidonvilles
En 2019, sur le plan national, le Plan Pauvreté a bénéficié d’une dotation de 135 millions d’euros. Une somme qui s’élèvera à 177 millions d’euros l’année prochaine.
Pour que plus aucun enfant n’arrive à l’école le ventre vide, 37.000 enfants scolarisés dans 400 écoles ont eu accès dès le troisième trimestre 2018-2019 à des petits-déjeuners à l’école. À partir de la rentrée de septembre, 100.000 à 200.000 enfants pourront en bénéficier. Soit deux tiers des élèves de CP et CE1 scolarisés en REP et en REP+.
17 départements, dont les Pyrénées-Orientales, ont contractualisé avec l’État la mise en place de 50 équipes de maraudes mixtes. Ces maraudes associent des professionnels de l’insertion et de la protection de l’enfance pour aller vers les familles à la rue, en squats et en bidonvilles, et prévenir la mendicité des enfants.
Depuis le 1er janvier, 20 M€ (au niveau national) ont été déployés afin de mieux accompagner vers le logement les familles à la rue, hébergées à l’hôtel ou en centre d’hébergement et de réinsertion sociale.
On recense à ce jour 2.150 personnes qui vivent dans des bidonvilles en Occitanie (Toulouse, Montpellier et Perpignan). La Haute-Garonne a ainsi pris en charge 650 personnes et mis à disposition 140 logements en 2018. Dans l’Hérault, une action de médiation scolaire (150 enfants scolarisés en 2018). Malgré nos sollicitations, nous n’avons pas obtenu de chiffres pour Perpignan.
♦ Job66, l’application qui « matchera » les allocataires du RSA avec les employeurs
Localement, le Préfet des Pyrénées-Orientales a annoncé le lancement prochain d’une plateforme numérique de mise en relation entre les allocataires du RSA et les employeurs. Objectif selon Philippe Chopin, « favoriser l’insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RSA ». Selon nos informations, ce dispositif déjà en place dans 21 départements pourrait voir le jour début 2020.
C’est le département du Loir-et-Cher qui a, dès 2016, expérimenté cet outil avec Job41. Depuis, selon la Gazette des communes, 21 départements ont lancé leur plateforme NeoJob.
« Le principe est simple : les allocataires du RSA s’inscrivent et mettent en ligne leur CV, qui est géolocalisé. Les entreprises publient leurs offres, également géolocalisées. En fonction des compétences, de l’expérience, mais aussi de la localisation, les demandes et les offres « matchent ». Grâce à une messagerie sécurisée, demandeur et pourvoyeur d’emploi peuvent entrer en contact ».
Un dispositif, qui, si l’on suit la logique des autres départements déjà pourvus, pourrait se nommer Job66. Pour rappel, à fin 2018, les Pyrénées-Orientales comptaient 21.641 allocataires bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active.
♦ Exit le RSA et les APL, place au Revenu Universel d’Activité ?
La fusion du RSA, de la prime d’activité, des Allocations Personnalisées au Logement (APL) fait partie des objectifs du plan pauvreté 2019-2022. Sur le site spécialisé dans le travail Metis, Olivier Noblecourt déclarait :
« Il ne s’agit pas d’une simple réforme de tuyauterie, mais bien de refonder ce système de prestations pour le rendre cohérent et prévenir ainsi les ruptures de droits qui fragilisent les allocataires. Ce revenu universel d’activité doit garantir un soutien monétaire adapté aux personnes jusqu’à ce qu’elles puissent s’émanciper de la précarité, mais aussi un lien réel entre prestation et accompagnement ».
À propos de ce nouveau dispositif, la présidente du Conseil Départemental évoque la récente réforme du calcul des allocations-chômage.
« Nos deux économies principales sont l’agriculture et le tourisme, des activités saisonnières. Pôle emploi compensait jusque-là en partie cette saisonnalité. Une partie des personnes travaillant dans ce secteur ne pourront plus bénéficier de Pôle Emploi. Elles vont venir au RSA. Pas de soucis, nous les accueillons, mais est-ce la solution ? Transférer un financement par un autre ? Car, au final, la situation ne s’améliore pas pour les demandeurs ».
♦ Vers un nouveau grand Service Public de l’Insertion via le plan pauvreté
Là encore, le plan pauvreté prévoit la création d’un grand service de public de l’insertion. L’objectif est ici de faire travailler les différents acteurs en coordination, de rendre plus lisible et plus efficace le parcours du retour à l’emploi.
Olivier Noblecourt parlait de « décloisonner les étapes du parcours d’accompagnement et d’insertion, qui donne l’impression aux usagers d’être « baladés » de service en service de façon chaotique, sans pour autant que leur situation s’améliore. Cela génère chez les bénéficiaires un sentiment de défiance et de découragement face aux institutions qui met à mal notre modèle de protection sociale ».
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