Article mis à jour le 25 août 2022 à 19:23
Parmi les expositions marquantes de l’édition 2021 de Visa pour l’Image, « The Ameriguns » étonne par ses images, mais aussi par ses légendes. Des légendes beaucoup plus longues qu’à l’accoutumée. Gabriele Galimberti a souhaité raconter l’histoire de chacun des personnages et leur passion pour les armes. Échange avec le photographe italien, Gabriele Galimberti. « The Ameriguns » est à voir au Couvent des Minimes les 17, 18, 25 et 26 septembre.
♦ Quelle est la photo la plus marquante de cette exposition ?
C’est difficile de choisir, parce que chaque photo est importante pour moi. Chacune correspond à un univers, une famille blanche, noire, latino. Mais si je devais en choisir une, je dirais celle-ci (voir photo derrière Galimberti en Une). Pour moi, c’est l’une des plus emblématiques. Comme vous pouvez le voir, cette famille a beaucoup d’armes. Sur la prise vue, il y en a environ 200. Ils en sortaient de plus en plus ; ils en ont même posé sur le toit.
À un moment, j’ai dit stop, il n’y a plus de place ! Mais il y en avait encore d’autre dans la maison. Et puis cette image montre une famille : les parents Joel et Lynne, la petite fille, Paige 5 ans sur son vélo, et Josh, le garçon de 11 ans qui tient une arme. On pourrait croire que c’est un jouet ; mais non, c’est un vrai pistolet que Josh a lui-même monté. Quant à Paige, elle n’a pas encore d’arme à elle, mais elle en aura bientôt une.
♦ Une mise en scène signature pour Gabriele Galimberti
Ces images posées sont particulièrement rares à Visa pour l’Image, où les photos montrent souvent une action. Les images de Gabriele Galimberti sont quant à elles très posées, très graphiques. Les protagonistes et Gabriele ont choisi comment placer leurs armes pour poser devant l’objectif. Ce type de série n’est pas sa première ; il a déjà utilisé ce procédé pour les jouets (« Toy Stories« ) ou pour les médicaments (« Home Pharma« ).
« Le montage, c’est ma signature. J’imagine comment placer les objects, et les sujets sont aussi acteurs de leur image. Sur la photo de la jeune femme au Texas, nous avons placé les fusils pour former l’étoile qui symbolise cet état américain. Quant à Black Rambo, il a placé toutes les armes autour de sa piscine, et ensuite a décidé d’actionner son lance-flamme pour la photo« .
♦ « Quand vous voyez ces images, vous réalisez la quantité d’armes qu’il y a aux USA »
Je n’aime pas faire des photos d’action, je travaille souvent de manière plus posée, j’aime prendre mon temps pour raconter des histoires. Cela m’importe peu qu’ils jouent la comédie avec leurs armes, Ce que je veux dire en faisant ces portraits, c’est qu’ils ne peuvent pas les utiliser toutes les armes en même temps.
Au maximum, ils peuvent en utiliser 2. L’histoire de cette série c’est l’énorme quantité d’armes que possèdent les Américains. Il y a plus d’armes que de personnes, 400 millions d’armes enregistrées, contre 328 millions d’Américains. Mon objectif était de rendre cela visuel.
♦ The influenceur for the gun industry
Quand d’autres vantent les produits de beauté, ou la dernière tenue à la mode, Black Rambo montre à ses plus de 800.000 followers sur instagram son dernier fusil ou pistolet. Gabriele Galimberti nous précise lors de l’entrevue que l’industrie des armes n’a pas le droit de faire de publicité sur les réseaux sociaux ; mais ils offrent leurs produits à des influenceurs comme Black Rambo.
On peut ainsi découvrir comment un pistolet devient « vraiment cool » entre les mains de Black Rambo ou de son fils Black Rambo junior. Ce dernier marche sur les traces de son père. Il compte déjà près de 30.000 followers et se met en scène sur la chaîne youtube de son père et ses 730.000 abonnés. « Ils ne gagnent pas d’argent avec cela, mais ils ont beaucoup d’armes gratuitement » nous précise Gabriele.
♦ « Les armes sont des outils, comme les voitures. Elles ne sont pas plus dangereuses »
J’ai trouvé tous ces profils sur Instagram. Ils ne sont pas difficiles à trouver ; le plus dur est de les convaincre de m’ouvrir leur porte. La plupart de ces gens sont Républicains, mais certains sont Démocrates et ont voté pour Obama ou Biden. Il n’y a pas vraiment de connexion entre leur passion pour les armes et leur bord politique. Par contre, la Covid a eu une influence sur l’achat d’armes ; leur nombre a encore augmenté. C’est difficile d’expliquer les raisons pour laquelle ils s’équipent avec autant d’armes. Peut-être ont-ils peur, et ils réagissent en achetant encore plus d’armes.
Pour eux avoir une arme, et la porter sur eux est totalement normal. Rien de bizarre, ils ont grandi avec. Ils ne trouvent pas non plus que soit dangereux. Pour Joel, Lynne, Floyd ou Lesia, l’arme à feu est un outil. Ils disent que même la voiture peut être dangereuse, alors que tout le monde peut en conduire une. Ils me disent : « si je veux faire quelque chose de mauvais, je peux prendre ma voiture rouler sur quelqu’un« . Pour eux, les armes ne sont pas un danger, au contraire, c’est une protection.
♦ Le port d’arme sans permis et en public entre en vigueur au Texas
L’État du Texas a fait voter une loi le 1er septembre qui libéralise un peu plus le marché des armes. Déjà très libérale sur la vente et la possession, la nouvelle loi autorise le port d’arme sans aucun permis. Gabriele nous précise le nouveau dispositif.
« Jusque-là, vous pouviez déjà aller dans une armurerie, le vendeur vérifiait votre identité. Et si vous n’aviez rien fait de trop grave, vous repartiez avec une arme sans autre formalité.«
« De plus, au Texas ou en Arizona, il était déjà possible de porter une arme sur soi. Il suffisait juste qu’elle soit visible. Mais maintenant, vous pouvez la porter sans qu’elle soit visible. Et personne ne sait que vous avez une arme sur vous. Cela fait une grosse différence dans la relation à autrui ».
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