Article mis à jour le 27 mai 2024 à 12:18
Ce mardi 30 avril, le cinéma le Castillet diffusera le documentaire « Gare à Perpignan ! Fragments d’une fatigue démocratique ». Cette séance, en présence du réalisateur Bertrand Schmit, sera l’occasion de revenir sur les coulisses d’une campagne qui a vu l’avènement de Louis Aliot à la mairie de Perpignan. Le 9 mai, le cinéma Clap ciné de Canet-en-Roussillon organise un débat à l’issue de la diffusion. Le 31 mai, le cinéma Castillet organise une séance suivie d’un débat avec le géographe David Giband.
Au programme, tractations entre candidats, divergences entre colistiers et commentaires qui, sans cette caméra qui s’est rendue discrète, n’auraient jamais dû voir le jour. Un film savoureux pour tous ceux qui veulent découvrir cet envers du décor qui éloigne encore un peu plus les jeunes générations des isoloirs, dégoutées par des pratiques peu ragoûtantes.
L’inexorable ascension de l’extrême droite dans les Pyrénées-Orientales
De sa voix rauque, le réalisateur décrit les enjeux de l’élection municipale de 2020 pour cette ville de plus de 120.000 habitants. Perpignan « était confrontée à une double échéance ; se libérer d’une dynastie de droite qui la gouvernait depuis plus de 60 ans et basculer ou pas au Rassemblement National. » Sans suspens, le film de Bertrand Schmit ouvre sur la victoire du vice-président du Rassemblement National. Après quatre tentatives, le candidat aura réussi à faire tomber dans l’escarcelle du parti d’extrême droite Perpignan la Catalane. Depuis 2020, Louis Aliot n’aura cessé d’implanter son parti au sein de la préfecture des Pyrénées-Orientales. Lors des législatives de 2022, quatre députées sous l’étiquette RN remportent les quatre circonscriptions du département. Et si en 2021, Louis Aliot n’a réussi à faire élire aucun conseiller départemental, il parvient, à la faveur d’une élection partielle, à être élu au Département, à majorité de gauche.
Une volonté de montrer une « démocratie à l’agonie » à Perpignan
Mais en suivant cette élection au plus près, le propos de Bertrand Schmit était tout autre. Le réalisateur voulait montrer « une démocratie à l’agonie et Perpignan, comme un miroir de la déliquescence nationale. » D’où la large place donnée dans le documentaire à la liste citoyenne menée par Caroline Forgues. Une citoyenne lambda, qui avait été élue pour prendre la tête d’un équipage hybride, réunissant des citoyens non encartés et des représentants politiques.
Durant 9 mois avant le 1er tour, les observateurs de la campagne ont pu remarquer ce personnage taiseux caché derrière sa lourde caméra, se faisant oublier. Alors que le second tour des élections devait être le point d’orgue de ce documentaire, au lendemain du premier tour, les autorités ont décidé du confinement.
Durant plusieurs semaines, le processus démocratique fut interrompu et le documentaire de Bertrand Schmit avec. Finalement, au mois de juin, avec les beaux jours, les urnes étaient de sortie et les électeurs aussi pour élire leur nouveau maire, Louis Aliot. Point de suspens sur l’issue du film, mais des pépites qui permettent aussi de comprendre comment les planètes se sont alignées pour mener « le professionnel de la politique » à la mairie après quatre tentatives infructueuses.
La tentative de mutation de Forgues et les tractations de Ripoull
Si le réalisateur s’est fait accompagner de plusieurs chercheurs spécialistes de la sociologie et de l’écosystème politique perpignanais, force est de constater que le documentaire fait la part belle à la politique politicienne plutôt qu’aux propositions pour améliorer la vie des Perpignanais. Deux candidates sont au cœur du documentaire : Clotilde Ripoull et Caroline Forgues ont immédiatement adhéré à la proposition de Bertrand Schmit. Louis Aliot, et Olivier Amiel ont accepté un peu plus à contrecœur. Quant au maire sortant, Agnès Langevine et Romain Grau, ils ne font que de très courtes apparitions dans le film de 1h16.
Le réalisateur s’est attaché à montrer la tentative de mutation de Caroline Forgues. Aidée par une coach, cette ingénieure qui n’a pas les codes médiatiques tente de vaincre son inexpérience dans l’arène politique. Utopie ou sabordage de la part des colistiers encartés dans les partis, la liste ne parviendra à convaincre que 1710 électeurs. À l’issue du scrutin, l’amertume se lit sur le visage de certains. Un temps, ils ont crû à cette alternative citoyenne. Le documentaire montre bien la difficulté d’adopter une démarche politique collective dans des élections où la tête de liste incarne à elle seule la proposition électorale.
Loin de la cuisine en désordre de Caroline Forgues, l’intérieur de Clotilde Ripoull est bien plus bourgeois, et les échanges entre la candidate et son spin doctor bien plus stratégiques. Les séquences consacrées à la candidate centriste montrent surtout les tractations avec presque tout le spectre politique. Mais aussi la difficulté de constitution d’une liste : entre nécessaire représentation de certains et soutien financier de l’autre, ce sont surtout les petites mains de la campagne qui doivent céder leur place éligible.
Les salades bio des bobos de Louis Aliot
Au fil des jours et des événements, le staff du candidat RN a, peu à peu, baissé la garde et accepté la présence de Bertrand Schmit. Cette caméra bien visible dévoile les réactions du clan Aliot alors que sont dépouillées les premières enveloppes. Autour du patron, les plus proches, Véronique Lopez, désormais Aliot, égraine les premiers résultats : « Au centre-ville, [Jean-Marc Pujol] prend une tartasse (…) La bourgeoisie a basculé (…) Aliot 52, Pujol 38, ça semble plié, il est mort », lance celle qui est désormais directrice adjointe de la communication. Seul le bureau du Couvent des Minimes résiste encore, avec un score de 47/45 en faveur de Louis Aliot. Ce dernier de balancer en mode boutade : « ces bobos qui achètent des salades bio. S’ils pouvaient s’empoisonner avec ! »
Pour Bertrand Schmit, Perpignan est cette ville qu’il aime et qu’il arpente depuis plus de 20 ans. Il y a également réalisé le film Un aller simple pour Perpignan.
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