Article mis à jour le 12 juin 2024 à 18:01
Niché sur les hauteurs de Port-Vendres, le fort Batterie 500 devrait prochainement devenir un observatoire du climat et du ciel pour le compte de plusieurs organismes de recherches. Focus sur ce lieu hors norme qui ouvrira ses portes dès le mois de mai 2024. Photo © JC Milhet / Hans Lucas.
Un observatoire d’orages à Port-Vendres ? À première vue, on pourrait se dire qu’il est assez étonnant de trouver ce genre d’installation dans les Pyrénées-Orientales. Pourtant, pour ces scientifiques, l’idée est loin d’être saugrenue. En effet, le département relève d’une situation très particulière du fait d’une sécheresse quasi absolue. Elisabeth Blanc-Cassagne, directrice de recherche au CEA (commissariat à l’énergie atomique), a eu un coup de cœur pour le fort Batterie 500. La physicienne a vu dans ce site hors norme l’opportunité d’établir un observatoire, qui réunirait une série d’appareillages scientifiques. Un projet soutenu par l’Université de Perpignan, l’Observatoire Océanologique de Banyuls-sur-Mer, le CEA, le CNRS* et le Parc naturel marin du golfe du Lion.
Le fort Batterie 500 transformé en QG scientifique
Élisabeth Blanc-Cassagne est docteure d’État en sciences physiques. Quant à Jean-Martin Garraud, il n’est lui pas scientifique à l’origine, mais plutôt communicant. Il y a six ans, ce couple a l’idée folle de créer un colloque réunissant les meilleurs scientifiques au monde. Si la première édition n’a rassemblé qu’une poignée de chercheurs, ils se sont vite retrouvés au nombre de 24. Parmi eux, des pointures de la recherche comme Jean Jouzel, ancien vice-président du GIEC et parrain de l’association Colloque Mare Nostrum.
Cette année, le colloque environnement et climat, organisé par Elisabeth et Jean-Martin, se tiendra au ciné-théâtre Vauban de Port-Vendres, du 12 au 15 juin 2024. L’évènement aura pour thématique le changement climatique en Méditerranée. « Cette association est une véritable plateforme pour les scientifiques. Le but, c’est aussi de fournir des réponses aux élus du département en leur proposant une expertise scientifique importante. Notamment sur la question de la sécheresse qui nous touche actuellement », soutient Jean-Martin Garraud.
Une palette d’observations scientifiques
Capteurs, caméras et balises permettront aux scientifiques d’observer et d’analyser un certain nombre de phénomènes naturels à Port-Vendres. « Cet ensemble d’observations sera très utile, compte tenu de la situation particulière des Pyrénées-Orientales aujourd’hui. Notre analyse permettra d’établir des prévisions », précise Elisabeth Blanc-Cassagne. Si au départ le projet portait sur l’observation des orages, il s’est élargi au fil du temps.
Concrètement, il s’agit d’observer plus largement l’environnement. « Le fort Batterie 500 offre un panorama exceptionnel sur tout le golfe du Lion et la chaîne de montagnes des Pyrénées. C‘est un site qui est très intéressant de par son emplacement, car on peut y faire des observations sur la Méditerranée, l’environnement terrestre, géophysique et même l’espace ! », lance la physicienne. Une particularité, qui à leur connaissance, n’existe nulle part ailleurs.
L’observatoire sera ouvert à tous les scientifiques qui souhaitent effectuer des mesures. « Ils pourront venir implanter leurs instruments. En échange, ils fourniront des informations scientifiques qui serviront notamment à alimenter le parcours découverte ouvert au public », explique Elisabeth. Installé sur le site, ce parcours scientifique aura pour but de sensibiliser les visiteurs aux risques environnementaux. « Il y aura des posters, des instruments en démonstration avec des données en temps réel… C’est de l’information scientifique destinée à tous les âges », explique la physicienne.
Des outils scientifiques pour mesurer l’entrée des météorites dans l’atmosphère
Plusieurs caméras seront également installées sur le site afin de mesurer l’évolution des vignes, le changement climatique ou prévenir le risque d’incendie. Ces images seront exploitées par différents organismes. La scientifique a aussi pour projet d’implanter une station météo ouverte au public. L’observatoire devrait être équipé d’un capteur, destiné à mesurer les éclairs. L’objectif est de faire découvrir aux jeunes le rayonnement gamma, qu’il soit d’origine terrestre, atmosphérique ou spatiale. En parallèle, les scientifiques feront de la surveillance en mesurant les météorites à l’aide de caméras et de télescopes.
« Nous allons utiliser des détecteurs gamma et des caméras plein ciel pour mesurer les entrées des météorites dans l’atmosphère et les éclairs en haute altitude, ceux qui surgissent au-dessus des nuages. On mesure très bien ce genre de phénomène qui produit de grandes lueurs rouges dans le ciel. Cela s’appelle des sprites », détaille la scientifique. Une antenne nucléaire permettra également de mesurer le rayon magnétique des éclairs.
Une partie de l’observatoire dédiée à la surveillance des tsunamis
L’équipe de chercheurs souhaite présenter au public des sons sous-marins grâce à des hydrophones, de petites bouées scientifiques immergées à plusieurs mètres de profondeur. « Nous allons aussi présenter des sons dans l’atmosphère terrestre. » Il s’agit d’infrasons, des sons si graves que leur fréquence est indiscernable par l’oreille humaine.
« Si on modifie leur fréquence, on arrive à restaurer des sons audibles comme le bruit des volcans, des tempêtes, des orages… cela constitue une base de données assez intéressante. Je pense que c’est formateur pour le public qui pourra toucher du doigt ces phénomènes dont il n’a pas connaissance dans la vie quotidienne », explique Elisabeth. Une partie de l’observatoire sera également dédiée à la surveillance des risques géophysiques, afin de présenter les réseaux sismiques et la surveillance des tsunamis en Méditerranée.
Une ouverture en mai 2024 ?
Les études de ces scientifiques s’inscrivent dans une logique de nature régénérative. « Nous pensons qu’il y a des possibilités de renverser la tendance qui est prise aujourd’hui, pour recréer ce qui a disparu, ce qui a été rasé et ce qui a été bétonné. » Les appareillages devraient être mis en place au mois de mai 2024. Le capteur de rayons gamma devrait être le premier outil installé.
*Le CNRS est le Centre National de la Recherche Scientifique
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