Article mis à jour le 14 août 2024 à 14:51
Samedi 2 octobre se tenait la 2ème édition des nocturnes du Palais. Au programme ? Deux procès fictifs pour témoigner de la justice qui se joue au quotidien dans les tribunaux. Le premier procès voyait s’affronter Sandra et Christian. Ce dernier comparaissait pour des violences commises sur sa compagne en présence de Kevin, leur enfant commun. Après un débat entre les acteurs de la justice et la salle, ce sont les violences routières qui étaient appelées à la barre. La cour avait à juger d’un accident de la route. Michel ayant percuté sur la RN116, la voiture d’Élisabeth qui était accompagnée de ses 2 enfants. Plus de 250 personnes se sont pressées dans la salle du tribunal de Perpignan.
Le succès des nocturnes du palais 2021 est la preuve de l’intérêt du public pour la justice. Une justice qui bien que publique et rendue au nom du peuple français semble parfois éloignée de la réalité ; un sentiment liée en partie au décalage temporel entre les faits et leur traduction devant les juges.
♦ Sandra et Christian – Une affaire tristement banale
Le procès fiction entre Christian Leveque et Sandra Belassi avait déjà été porté devant le tribunal de Perpignan en octobre 2019. À l’époque, nombre de spectateurs avaient dû rester à la porte du tribunal, faute de place dans la salle. Le président du tribunal, Pierre Viard a donc souhaité rejouer la même scène avec presque les mêmes acteurs.
Dans cette affaire, il s’agit d’une scène parfois trop banale, un couple qui se dispute. Un conjoint qui « dégoupille » pour « rien d’important » et qui « insulte et gifle » sa compagne. Le tout sous les yeux de leur enfant commun en bas âge. Sandra à la barre revit les faits : « Il m’a donné un coup de poing dans la mâchoire en me cassant une dent. Il a continué à me frapper au visage, sur les bras. Je pleurais, je saignais de la bouche, et lui n’arrêtait pas de répéter que je l’avais bien mérité ». Christian, sur les faits : « La tirer par les cheveux oui, la pousser, les gifles oui. D’ailleurs, quand on se battait, je recevais aussi des coups de sa part. Mais jamais je ne lui ai donné de coups de poing, je vous le jure sur la tête de Kevin ! ».
Lors du débat qui a suivi cette affaire de violences conjugales, c’est le sort du petit Kévin qui a interpellé la salle. Comment permettre que le lien entre le père et son fils puisse perdurer ? Des questions auxquelles le procureur Jean-David Cavaillé, s’est évertué à répondre. Le procureur et le président du tribunal sont également revenus sur les nouveaux dispositifs applicables, téléphone grave danger, ou encore des mesures d’éloignement strict à l’égard de la victime. Le procureur de la République s’est également félicité de l’arrivée prochaine d’un assistant spécialisé dans la lutte contre les violences intrafamiliales.
♦ On quitte la route des yeux un 1/4 de seconde et badaboum !
Le président du tribunal de ce procès fiction rappelle les faits de l’accident du 28 septembre 2019. La gendarmerie est appelée pour un accident de la circulation impliquant 2 véhicules sur le RN116 à hauteur de Thuès-Entre-Valls. À l’arrivée des secours, Michel Alberti est désincarcéré de son véhicule et hélitreuillé vers l’hôpital de Perpignan. La conductrice de l’autre véhicule, Élisabeth Delval et ses deux enfants, Océane et Nathan avaient pu s’extraire du véhicule par leurs propres moyens.
♦ « On a eu beaucoup de chance, mais c’est très difficile »
Élisabeth Delval à la barre « C’était un samedi, et comme il faisait beau on avait décidé de partir à la montagne. On a passé la journée en Cerdagne et après le goûter on est rentrés sur Perpignan. À hauteur de Thuès, là où la route est très étroite et sinueuse, j’ai vu une voiture noire arriver à très vive allure. Par réflexe je me suis déportée et j’ai heurté le parapet. J’ai cru qu’on allait plonger à pic et qu’on allait y rester. La voiture noire nous a percuté de plein fouet, le choc a été très violent. Les enfants criaient, c’était horrible. (…)
J’ai réussi à m’extraire du véhicule et à sortir mes enfants. (…) J’ai eu une vive douleur au sternum et aux cervicales, une entorse au poignet et des hématomes. Océane a pris un gros coup sur le nez, elle avait le visage en sang. Elle a eu une bosse sur le front durant plusieurs semaines. Nathan se plaignait de douleurs au niveau du thorax, et une plaie au niveau du cou ».
Selon la mère de famille, visiblement très émue, c’est au niveau psychologique que les séquelles perdurent. « Nathan fait des cauchemars toutes les nuits, Océane ne veut plus monter en voiture. C’est très dur. On a eu beaucoup de chance, mais on se reconstruira forcément un jour, mais c’est très difficile ».
♦ « Je suis désolé, mais je ne l’ai pas fait exprès »
Michel Alberti avance sa version. « Je suis désolé de ce qui s’est passé, mais dans l’histoire c’est moi le plus blessé. J’ai des blessures à la jambe et au bras, je vais sans doute devoir être opéré« . Michel explique le moment d’inattention qui lui a fait quitter la route des yeux un court instant. Et tente de renverser la responsabilité vers l’autre véhicule. « Il est probable que si le véhicule en face avait roulé moins vite, j’aurai pu redresser et éviter le choc ».
Le tribunal précise que la version de Madame Delval est corroborée par un témoignage. « Si vous le dites monsieur le juge. En tout cas, moi je ne l’ai pas fait exprès« . Pour le président, il n’est nullement question de volonté délibérée de causer des blessures. Mais le juge rappelle que le prévenu n’en est pas à sa première condamnation en matière d’infractions roturières. Michel Alberti a déjà 4 délits inscrits sur son casier judiciaire. Et il tente une explication et rajoute, « Monsieur, je suis un bon conducteur. Au moment de l’accident je dépassais un peu le taux légal, mais j’étais en parfaite capacité de conduire« .
Des propos que le juge goûte assez peu, il lance : « ce tribunal pourrait croire que vous avez une fâcheuse tendance à minimiser votre propre comportement« . Pour en revenir à l’accident sur le RN116, il s’avère que Michel Alberti avait bu « 3, 4 bières et 2 ou 3 vodkas » la veille de l’accident. Et avait pris le volant après une nuit de sommeil. Ne laissant pas à son corps suffisamment de temps pour absorber tout l’alcool, il était au moment de l’accident encore au-dessus de la limite légale en matière d’alcoolémie.
♦ Le délibéré
Alors que la procureure de la République réclame de la fermeté et l’avocat de la défense un peu de compréhension, le juge décide que le prévenu écopera d’une peine de prison ferme aménagée à l’aide d’un bracelet électronique. Et surtout qu’il devra équiper, à ses frais, son véhicule d’un système d’éthylotest antidémarrage.
Après la lecture du verdict et la levée de l’audience, le public s’est étonné qu’après 4 infractions le prévenu ait encore son permis. Le procureur de préciser que le retrait de permis ne permettait pas toujours de réduire l’accidentologie, mais surtout que cela conduisait parfois à une perte d’emploi. Le procureur de préciser que la nouvelle peine d’obligation d’installer un éthylotest antidémarrage était souvent plus efficace.
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