Article mis à jour le 8 septembre 2022 à 14:00
Selon les chiffres du ministère de l’Éducation nationale, en 2018, 700.000 enfants étaient victimes de harcèlement. L’usage répété de violences, moqueries, et autres humiliations dans le milieu scolaire peut entraîner de sérieuses conséquences. Parce que la notion de harcèlement est parfois difficile à appréhender, le Conseil Départemental d’accès au Droit des Pyrénées-Orientales (CDAD66) avec son président Pierre Viard – également président du tribunal de Perpignan – lancent une initiative à destination des enfants de 7 CM2*. Dans le cadre de la journée nationale d’accès au droit, présentations et explications.
♦ Le harcèlement expliqué à l’école
« L’échange avec les équipes pédagogiques nous a permis de percevoir que cette problématique était très présente, y compris en milieu rural », nous précise Pierre Viard. Une initiative qui se décompose en 3 temps. Durant la phase 1, les enfants réfléchissent en classe avec une association d’aide aux victimes. « L’objectif est de faire réagir les enfants« . Durant 1h30, France Victimes 66 évoque auprès des 7 classes le harcèlement scolaire. Comment le définir, les comportements à adopter, les solutions et le rôle de la justice.
Ensuite, avec l’aide de leur enseignant, les enfants écrivent une lettre destinée à un élève d’une autre école participante. « Cette lettre doit contenir un résumé de ce qu’ils ont compris de l’intervention de France Victimes 66 ; mais aussi leurs impressions, leurs vécus personnels, sur une ou plusieurs situations, et cela, qu’ils soient témoins, harcelés ou harceleurs. Ils peuvent proposer des solutions, les bons comportements à adopter, et ce qu’ils attendent de la justice ».
Place à la phase 3 : dessiner. « Durant deux heures, la plasticienne Diane Beauchamps proposera aux enfants d’agrémenter leurs lettres de décors, à l’aide de diverses techniques plastiques ». Le tout est envoyé par la poste à la mi-juin. Débute alors le travail de synthèse avec l’enseignant.e.
♦ Parler du harcèlement pour parler de plein de choses
Pierre Viard a assisté à l’intervention de France victime 66. « On sent qu’il y a des réactions des enfants qui viennent parler d’autre chose, comme les violences intra-familiales, et d’autres angoisses. Ce genre d’exercice permet d’avoir une parole beaucoup plus libre. Cette sensibilisation permet de faire prendre conscience de pratiques au sein d’un groupe. Les enfants de 9 ou 10 ans ont réfléchi ensemble. Ils ont essayé de mettre des mots et de comprendre certains comportements ».
♦ Du levé de jupe au harcèlement en ligne
« Certains enfants se montraient sceptiques quand on leur parlait de jeux, se confie le président du Tribunal de Perpignan. Parfois, la limite entre le jeu et le harcèlement est difficile à percevoir pour certains enfants. Les intervenants leur font toucher du doigt cette notion en décrivant les situations. Au début, ça peut être rigolo ; mais si on le refait tous les jours, ça devient du harcèlement. Cette notion peut être difficile à comprendre, mais il faut intégrer ce qui se cache derrière certains comportements ».
« Si on laisse les garçons soulever les jupes des filles, les premiers vont dire que c’est à eux de décider pour les deuxièmes, poursuit Pierre Viard. C’est un travail, y compris auprès d’enfants, qui n’abordent pas ces sujets en famille. La relation sociale se construit à l’école ».
Au sujet des réseaux sociaux, Pierre Viard indique : « Les enfants perçoivent bien qu’il y a quelque chose qui peut être glissant et dangereux. Tout n’est pas permis sur les réseaux sociaux ».
♦ Pour une justice plus proche et plus transparente
« À propos de la justice, nos politiques disent tout et son contraire, s’agace Pierre Viard. Alors que nous n’avons rien à cacher ! Nous rendons la justice au nom du peuple Français. Et il faut que le peuple vienne nous voir et qu’il voit comment ça se passe. Que les citoyens s’approprient cette justice que l’on rend en son nom. Et ça me paraît logique d’essayer de faire de la pédagogie pour le grand public ».
Cette appropriation de la justice passe par des interventions, des conférences, des colloques, des ciné-débats, des journées portes ouvertes.
Le président du CDAD 66 et du Tribunal de nous préciser les missions : « Le CDAD permet aux personnes – entre autres – d’être mieux informées, d’être mieux orientées, d’être assistées dès que surgissent des difficultés juridiques, et de bénéficier de la possibilité de résoudre à l’amiable les conflits. L’aide à l’accès au droit contribue à réduire les tensions sociales, et les risques d’exclusion ».
Le CDAD met également en place des consultations juridiques gratuites, et confidentielles, assurées par des intervenants professionnels sur le territoire : dans le quartier Saint Jacques, le quartier Vernet Salanque, Rivesaltes, Prades, Céret, ou Latour de France.
« C’est le 3ème CDAD que je préside en parallèle d’un tribunal, et à chaque fois, j’ai essayé d’aller au-devant des gens. Pour aller récupérer une population qui, soit n’osait pas, soit n’avait pas l’idée de venir nous voir ».
*Établissements sélectionnés : Saint Feliu d’Amont, Corneilla la Rivière, Saint Laurent de la Salanque, Latour de France, Espira de l’Agly ( 2 classes), Estagel.
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