Article mis à jour le 6 décembre 2020 à 13:11
Omniprésents sur la toile, quel est le profil sociologique des anti-masques ? Pourquoi, dès l’apparition d’une publication sur les réseaux sociaux, se précipitent-ils pour crier à la « mascarade », au grand complot des laboratoires ou du gouvernement ? Certains n’hésitent pas à comparer le masque à l’étoile jaune imposée aux juifs par le régime nazi.
La fondation Jean-Jaurès révèle une enquête sociologique menée par Antoine Bristielle ; doctorant et agrégée en sciences économiques et sociales. Certes, les messages contradictoires du gouvernement en mars pénalisent aujourd’hui le port du masque et sont en partie responsable du phénomène ; mais pas seulement. Accéder à l’étude complète « Bas les masques » sur le site de la Fondation Jean Jaurés.
♦ 63% des personnes seraient favorables l’obligation du port du masque en extérieur
Selon un sondage Harris Interactive pour LCI, publié jeudi 20 août, 63% des personnes seraient favorables l’obligation du port du masque en extérieur.
Certes, il s’agit d’une majorité ; mais les anti-masques eux sont particulièrement bruyants. Ils manifestent dans les rues ; 30.000 à Berlin, quelques milliers à Québec, entre 2.000 et 3.000 à Madrid. À Paris, ils étaient 2 à 300 à défiler ce 29 août au son de slogans comme « Le masque, c’est la porte d’entrée vers la dictature mondiale ».
Même si en France, la mobilisation de terrain semble plus laborieuse, les anti-masques sont très virulents sur les réseaux sociaux. Pas une publication sur le sujet ne peut être postée sur Facebook sans que les premiers commentateurs rivalisent d’émoticônes « vomi », d’insultes à l’encontre des autorités, de propos complotistes du genre « on nous musèle ». Les commentateurs parfois anonymes deviennent des pseudo-experts prétendant que « le soleil tue le virus sur les muqueuses et le système immunitaire de l’intérieur ».
♦ Le masque serait inutile voire dangereux et puis « l’épidémie est terminée »
Les répondants justifient leur opposition au port du masque en le déclarant inutile voire dangereux. Ils citent en exemple un des leaders des Gilets Jaunes, Maxim Nicol, plus connu sous son pseudo Fly Rider. Ce dernier a décrété l’inutilité du masque au prétexte qu’il laisserait passer la fumée de cigarette.
Le port du masque serait même dangereux, les experts autoproclamés de Facebook jugeant que le masque entrave l’oxygénation de son porteur ; un argument sur lequel nous laisserons les chirurgiens témoigner. Certains jurent même que le port du masque participerait à la multiplication du virus. « Il va se reproduire sur la paroi intérieure du masque à vitesse grand V et vous rendre malade ».
Selon les propos des anti-masques rapportés par Antoine Bristielle, « l’épidémie serait terminée, voire n’aurait jamais vraiment existé ; et les gouvernements nous mentiraient lorsqu’ils essaieraient de nous faire croire le contraire. Mais, pourquoi des gouvernements tenteraient de nous faire croire en une épidémie qui n’existe pas ? ». Selon les répondants, le masque servirait uniquement à les faire taire, telle une muselière.
« Si ces quatre arguments se heurtent méthodiquement à l’ensemble des faits scientifiques, ils en disent néanmoins déjà beaucoup sur le profil des individus qui les développent : défiance institutionnelle, refus des contraintes, croyance dans les thèses complotistes… »
♦ La défiance vis-à-vis des institutions et le rejet des « élites »
Proposé par Antoine Bristielle à 1.000 anti-masques, le questionnaire de cette enquête met en lumière que le taux de confiance dans l’institution présidentielle est de 6% ; celui dans les partis politiques de 2%. Cette défiance institutionnelle rejaillit immanquablement sur les responsables politiques au pouvoir. Seules 2% des personnes interrogées ont confiance en Emmanuel Macron et 3% en Jean Castex.
Alors qu’habituellement les hôpitaux recueillent 87% de confiance, la jauge descend de façon vertigineuse à 53% parmi les répondants au formulaire.
Antoine Bristielle précise que « la communication on ne peut plus hésitante du gouvernement, ayant d’abord déconseillé le port du masque avant de le rendre obligatoire quelques mois plus tard, n’a pu que renforcer ce phénomène ».
♦ Les anti-masques et les théories complotistes
L’analyse de ces chiffres fait ressortir que 63% des anti-masques présents sur les réseaux sociaux croient à plus de la moitié des thèses complotistes qui leur sont présentées. Observatoire du conspirationnisme, Consparicy Watch partage dans un tweet l’écart important (50 points) entre les anti-masques et la moyenne nationale sur l’item « nocivité des vaccins« .
♦ Les cadres et professions intellectuelles supérieures surreprésentés parmi les anti-masques
Antoine Bristielle précise dans l’enquête publiée par la Fondation Jean-Jaurès : « Selon la littérature scientifique sur le sujet, l’attrait pour les théories conspirationnistes tout comme la forte défiance politique serait avant toute chose le fait d’individus plutôt jeunes et appartenant aux classes populaires. De même les profils masculins y sont a priori surreprésentés ».
Pourtant, l’enquête révèle que les anti-masques ont un profil bien différent.
« D’une part, les femmes sont surreprésentées à près de 63%. D’autre part, l’âge de ces individus est relativement élevé avec une moyenne de cinquante ans. Leur niveau d’éducation est, lui aussi, assez haut avec un Bac+2 en moyenne. Dès lors, les catégories sociales supérieures y sont également surreprésentées : les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent 36% des personnes interrogées alors que leur poids n’est que de 18% dans l’ensemble de la population française. Au contraire, les ouvriers et employés ne représentent que 23% des anti-masques interrogés, soit la moitié de leur poids réel dans la population française ».
♦ Les anti-masques et la bulle informationnelle des réseaux sociaux
La défiance vis-à-vis des élites ou des pouvoirs publics est également présente à l’égard des médias ; souvent accusés d’être « à la solde du pouvoir ». Les anti-masques ont donc choisi de faire confiance aux informations diffusées sur les réseaux sociaux (51%) ; contre seulement 14% de l’ensemble de la population.
Or le fonctionnement de l’algorithme des réseaux sociaux conduit machinalement à maintenir l’internaute dans une bulle informationnelle. C’est-à-dire que Facebook met en avant des publications semblables avec celles qui ont fait réagir l’internaute.
Par conséquent, plus les anti-masques commentent ou interagissent avec des publications qui vont dans le sens d’une défiance des pouvoirs publics, ou qui disent que les masques sont dangereux, ou que la maladie a disparu ou n’a jamais existé, plus Facebook va les « nourrir » pour qu’ils restent sur le réseau social. L’intérêt pour le réseau social ? Que les « abonnés » restent le plus longtemps possible sur son site. Ainsi, Facebook peut recueillir des données qu’il peut ensuite revendre aux marques.
♦ La « RaoultMania » étudiée à la loupe
En juillet dernier, Antoine Bristielle s’était penché sur le profil des fans du Professeur Raoult. Cliquez sur le lien du site de la Fondation Jean Jaurés pour accéder à l’enquête complète.
*Méthodologie de l’enquête : Du 10 au 20 août, Antoine Bristielle a posté un questionnaire sur les différents groupes Facebook s’opposant au port du masque. En l’espace de neuf jours, plus de 1000 individus ont participé à l’enquête. L’analyse de ces questionnaires a permis d’établir le portrait-robot des anti-masques.
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