Article mis à jour le 13 septembre 2021 à 14:58
Alors que le laboratoire Pfizer a annoncé des résultats encourageants sur son candidat vaccin, de nombreux aspects de la vaccination posent régulièrement question. Qu’est-ce qu’un vaccin ? Quelles sont les différentes phases d’étude clinique ? Combien de recherches sont en cours pour la Covid-19 ? Quels sont les risques encourus ? Pourquoi les Français sont-ils les champions du monde des anti-vaccins ?
Nous avons trouvé nos réponses auprès de Julien Gravoulet ; pharmacien et membre de l’Union Régionale des Professionnels de Santé du Grand Est. Ce professionnel de santé crée notamment des vidéos pédagogiques à l’intention de ses confrères en première ligne face aux interrogations des Français.
« Les patients sont démunis par trop d’information Covid via les médias ou les réseaux sociaux. Ils nous questionnent pour ensuite pouvoir faire le tri entre ce qu’ils entendent de droite et de gauche ».
♦ Pourquoi avoir choisi de faire ces vidéos pédagogiques ?
« À l’origine, ce sont des vidéos destinées aux pharmaciens plutôt qu’au grand public. Nous les diffusions via nos lettres d’information. L’objectif est d’anticiper les nombreuses questions que pourraient avoir nos patients ; et de répondre à leurs inquiétudes aussi clairement que possible.
Je fais partie de l’URPS Grand Est ; et l’une de nos missions est d’accompagner les pharmaciens durant la gestion de la crise Covid. Et ce à plusieurs échelles :
- Faciliter la distribution des masques, surtout lors de première vague.
- Faire des points réguliers pour nos confrères et fournir des informations sur les évolutions réglementaires engendrées par la Covid-19.
- Mais aussi pour faire des bilans sur l’état de connaissance de la Covid.
Au début, nous avons diffusé des formats plus traditionnels type diaporamas ou pdf ; puis nous avons testé ce nouveau mode de communication via vidéo. Cela m’a semblé plus moderne et plus adapté aux attentes de nos confrères pharmaciens. »
Dans un rire, Julien Gravoulet nous avoue avoir dû faire de nombreux tests, regarder nombre de tutoriels, et échanger sur beaucoup de forums avant de proposer les vidéos actuellement en ligne.
♦ Le vaccin Pfizer / BioNTech / Fosum Pharma est donc un des 10 vaccins en phase III ?
On dit d’un vaccin à l’étude qu’il est un candidat vaccin. Ces vaccins doivent passer par plusieurs étapes afin d’obtenir, des autorités sanitaires, une autorisation de mise sur le marché. La mise sur le marché et la vaccination à grande échelle est la phase IV.
Aujourd’hui, selon Julien Gravoulet, 154 candidats vaccins sont en évaluation préclinique. Dont 44 en évaluation clinique, 20 en phase I, 12 en phase I/II, 2 en phase II et 10 en phase III.
Le laboratoire Pfizer a dévoilé via un communiqué de presse le 9 novembre :
« Lors de la première analyse d’efficacité intermédiaire, le vaccin candidat s’est révélé efficace à plus de 90 % pour prévenir la COVID-19 chez les participants sans preuve d’une infection antérieure par le SRAS-CoV2 »
Le laboratoire précise avoir démarré son essai clinique de phase III le 27 juillet ; et avoir recruté 43.538 volontaires pour tester son vaccin dénommé le BNT162b2.
Les participants ont été répartis sur deux groupes : la moitié des 38.955 participants a reçu le vaccin en deux injections, et l’autre un placébo. Selon le laboratoire Pfizer, la protection des patients a été obtenue sept jours après l’injection de la deuxième dose du vaccin et 28 jours après la première ; et ce d’après les résultats préliminaires.
♦ « Réponse immunitaire et protection, ce n’est pas la même chose »
Vice-président de la Commission technique des vaccinations, le Professeur Floret avertit qu’il faut faire une différence entre la réponse immunitaire et la protection. Pouvez-vous nous éclairer sur cette nuance ?
« Notre système immunitaire fonctionne à différents niveaux. En gros, il existe plusieurs mécanismes qui permettent de protéger d’une maladie et qui font appel à différentes cellules. En fonction du type de réaction immunitaire, on peut générer une mémoire de très long terme ou de plus court terme ; une mémoire très spécifique ou une mémoire moins spécifique.
Pour la grippe par exemple, on est obligés de se vacciner tous les ans pour 2 raisons. Au fur et à mesure de l’épidémie, le virus change ; et donc il faut mettre à jour sa protection. Dans le cas de la grippe, il a aussi été décidé de ne pas mettre d’adjuvant. L’adjuvant est une molécule qui permet d’augmenter le temps de réponse immunitaire. Du coup, dans le cas de la grippe, l’immunité est courte : entre 6 et 9 mois.
La Food And Drug Administration* (FDA) a modifié ses critères dévaluation. L’objectif n’est pas la production d’anticorps, mais bien une protection pour éviter d’attraper la maladie. Parce qu’on pourrait se dire, j’ai des anticorps, c’est bon ; mais en fait, c’est plus compliqué. C’est pour cela le comité a précisé que les autorités sanitaires ne valideront un vaccin que s’il protège contre la covid-19 dans au moins dans 50 % des cas. »
♦ En raccourcissant les délais entre les différentes phases, existe-t-il un risque d’effets secondaires à plus long terme ?
« Tout dépend du type d’immunité que l’on veut obtenir et surtout de sa durée. Les effets indésirables sont liés à la présence effective du produit dans l’organisme ou à des « dégâts » provoqués par le produit qui se verrait à distance. Pour le SARS-CoV2, on est sur un objectif d’immunité plutôt courte ; donc on peut se permettre de raccourcir un peu les phases.
Mais il est vrai que les effets à long terme seront difficiles à voir. La FDA a précisé que son autorisation de mise sur le marché n’interviendrait qu’au-delà d’un délai de 2 mois après la dernière injection chez un des volontaires. Cela permet de constater les effets un peu plus à distance.
Donc effectivement, il faudra attendre la phase IV – le moment où le produit sera donné à des millions de personnes – pour avoir au moins un retour plus large du type d’effets indésirables.
♦ « C’est pour cela qu’il faut rester très prudent »
Dans les études de phase III, dès qu’un élément semble inattendu, on stoppe pour essayer de comprendre pourquoi. Parce qu’au final, on ne cesse de le répéter, tout traitement, présente un risque; l’important est que la balance bénéfique/risque soit positive.
Le patient doit avoir conscience qu’un médicament n’est pas un produit comme les autres. Les autorités de santé sont très vigilantes ; même après la mise à disposition sur le marché d’un vaccin.
Tous les professionnels de santé peuvent déclarer les effets indésirables ; mais aussi les patients directement sur un site internet. La démarche est importante et permet de faire remonter les signaux faibles que l’on ne peut voir sur des milliers de patients ; mais qui seront plus visibles à l’échelle du million de patients.
♦ Pourquoi les laboratoires communiquent-ils avant d’avoir des résultats complets ?
Pour Julien Gravoulet, cette communication de Pfizer ne semble pas être motivée par un besoin de fonds. En effet, selon le pharmacien, les laboratoires ont reçu beaucoup d’investissements. Via des fondations, des organismes internationaux tels l’Alliance Globale pour les Vaccins et l’Immunisation, ou encore des États via des précommandes de vaccins.
Mais, effectivement, ce niveau de communication est totalement « inédit dans le milieu de la vaccination ».
« Il faut savoir que depuis quelques années, les laboratoires pharmaceutiques avaient quelque peu délaissé leur branche vaccination. Certains ont carrément décidé de laisser tomber leur branche vaccination pour la revendre à d’autres laboratoires. Finalement, cette crise indécise de la Covid a permis un regain d’intérêt pour cette branche. »
« Des laboratoires bien implantés ont redynamisé leurs structures ; et de nouveaux acteurs se sont lancés sur ce marché. Le secteur vaccinal, un peu délaissé, est devenu à nouveau un milieu très concurrentiel. Et dans ce cas, le coup de communication est très important ».
Le pharmacien reste très prudent : « Ce sont des résultats intermédiaires. Tout n’a pas été encore publié et, en tant que scientifique, il faut rester très prudent tant que l’on n’a pas les papiers sous les yeux et les données consolidées. Mais c’est une annonce plutôt positive ; et je ne pense pas que Pfizer communiquerait autant si derrière ils n’avaient pas des billes ».
♦ Seulement 59%** des Français envisagent de se faire vacciner – Pourquoi ?
Julien Gravoulet déplore : « Malheureusement, les Français sont les champions du monde des antivax. Les études divergent entre ceux qui sont hésitants et vraiment opposés ; mais quelles que soient les études, on reste très dans la défiance vis-à-vis des vaccins ».
Selon le pharmacien plusieurs facteurs sont à prendre en compte pour expliquer ce constat ; dont « Le risque relatif, celui que nous ne percevons pas »
« Grâce à une politique vaccinale efficace depuis longtemps, les dangers que représentaient les maladies pour lesquelles on vaccine s’éloignent de plus en plus. Les générations d’après-guerre connaissent tous dans leur entourage un enfant qui avait été victime de la polio, paralysé et handicapé. Aujourd’hui, on ne voit plus cela.
Alors certains s’interrogent : « Si la polio n’existe plus pourquoi vaccine-t-on encore ? Le danger immédiat de ces pathologies recule ; on ne les voit plus, donc on se dit que c’est bon ». Mais, si la polio n’existe plus, c’est bien grâce à ces actions de santé publique. Et cela n’est plus perceptible.
Il y a tout de même quelques ratés. C’est le cas de la rougeole dans la génération des 30/40 ans. Ils sont lourdement frappés ; avec des cas dramatiques de décès par la rougeole***. Cela devrait faire un peu prendre conscience de l’importance de la vaccination.
♦ Il y a aussi une méconnaissance de la part du grand public
Prenez le tétanos par exemple. Cette maladie fait encore des morts chaque année en France. Certes, ils ne sont pas des milliers ; mais comme cela n’est pas médiatisé, les anti-vaccins considèrent que c’est du passé.
Mais en fait, ils n’ont pas connaissance de ce qui se passe dans les services d’infectiologie. Pour eux, cela n’existe plus. Du coup, quand ils mettent en balance les effets indésirables de la vaccination et le danger d’attraper une maladie qu’ils croient éradiquée, ils se questionnent : « Pourquoi je prendrais un risque à me faire vacciner ? »
♦ Ainsi que les campagnes de communication anti-vaccins
« Les antivax mettent régulièrement en avant le lien entre le vaccin Rougeole Oreille Rubéole (ROR) et l’autisme****. En fait, tout est venu d’une étude truffée de conflits d’intérêts parue en 1988 dans une revue scientifique.
Le chercheur avait fait une étude éthiquement condamnable et dont les résultats ont été invalidés depuis. En fait, il cherchait à vendre son vaccin plutôt que celui qui était en place. Cette étude a fait énormément de dégâts car la plupart des gens retiennent finalement le lien ROR/Autisme ; et non toute l’histoire et les condamnations judiciaires à l’encontre du chercheur. »
♦ Sans oublier, des vaccinations en dehors des recommandations
« Idem dans le cas de l’hépatite B et l’apparition de la sclérose en plaques chez certaines personnes vaccinées. Mais la concordance ne veut pas dire causalité. Aujourd’hui, avec le recul, on sait qu’il n’y a pas de lien de cause à effet.
Alors oui, toute maladie auto-immune peut être déclenchée suite à un évènement immunitaire. Une grippe, une angine… tout comme la vaccination sont des événements immunitaires.
Dans l’hépatite B, il y a aussi eu un échec de communication. La préconisation de ce vaccin était prévue pour les enfants et les adolescents. Pourquoi les enfants et les adolescents ? Parce que chez eux, les doses nécessaires pour une immunité sont moins importantes.
Mais il y a eu un engouement important de ce vaccin chez les adultes qui n’était pas la population cible. Certains ont reçu jusqu’à 6 doses ! Les gens ont vraiment voulu se faire vacciner en dehors des recommandations. Tout cela a jeté le discrédit sur cette vaccination. »
♦ Les fake news autour du vaccin contre la grippe et un supposé risque d’attraper le coronavirus
« Une étude du Pentagone aurait montré que vacciner contre la grippe augmenterait le risque de contracter le coronavirus de 36%. Comme toute fake news, cela se base toujours sur un élément vérifiable.
Oui, une étude est parue le 22 janvier sur la revue Vaccine. Cette étude, menée sur des gens qui travaillent au pentagone, évaluait s’il y avait un risque accru chez les gens vaccinés d’attraper un des très nombreux virus respiratoires. Le papier traitait de la campagne vaccinale 2017/2018 ; une période où le SARS-CoV2 n’existait pas….
L’étude montre qu’il y a un peu plus de gens vaccinés qui ont attrapé un coronavirus que ceux qui n’ont pas été vaccinés. Même si les statistiques n’étaient pas significatives. De plus, l’article ne disait clairement pas qu’on avait plus de risque d’attraper le coronavirus si on était vacciné contre la grippe.
Le souci est que cela a été dévoyé, détourné notamment par la fondation de Robert Kennedy Junior, le neveu de John Fitzgerald, fils de Bobby, et une fondation pour la santé de l’enfant qui est clairement antivax.
Et ça tourne sur les réseaux sociaux étrangers, puis sur des réseaux sociaux français, sur des sites français ; et du coup, les gens viennent nous poser des questions. Nous allons chercher l’info, l’étudions à tête reposée, et vérifions les éléments pour remonter toute la chaîne puis devons refaire le point et démentir.
♦ Peut-on techniquement inoculer une puce avec un vaccin ?
Techniquement, il est possible d’injecter des puces ; et cela se fait déjà dans le milieu récréatif. Les gens se font injecter des puces en sous-cutané ; ils peuvent ainsi rentrer dans les carrés VIP des boîtes de nuit ou payer sans carte bleue. Cela se fait aussi chez les animaux : pour les identifier, on leur place une puce au lieu de les tatouer.
Donc oui, c’est une technique qui existe ; mais ce n’est pas possible de l’injecter avec un vaccin. C’est quelque chose de visible, implanté à un endroit qui se voit.
Entre une vaccination avec une toute petite aiguille et le trocart nécessaire pour mettre une puce en sous-cutané, le patient s’en rend forcément compte.
Il y a quand même beaucoup de fantasmes là-dessus. Cela ne pourrait clairement pas se faire dans un package à l’insu du patient.
♦ Face au Covid-19, pourquoi ne pas attendre l’immunité collective naturelle ?
Au début de la pandémie, plusieurs voix s’élevaient en faveur de cette stratégie qui consisterait à laisser circuler le virus afin que la population se contamine et fabrique naturellement ses propres anticorps. Le directeur général de l’OMS a déclaré au début du mois d’octobre que « jamais, dans l’histoire de la santé publique, l’immunité collective n’a été utilisée comme stratégie pour répondre à une épidémie ».
Pour Tedros Adhanom Ghebreyesus, « Laisser libre cours à un virus dangereux, dont nous ne comprenons pas tout, est tout simplement contraire à l’éthique. Ce n’est pas une option ».
Pour rappel, les premières estimations considèrent qu’environ 10% de la population mondiale aurait été contaminée par le Covid 19 depuis le début de la pandémie ; bien loin des 60% nécessaires pour que la stratégie de l’immunité collective soit efficace.
Deux scientifiques ont évalué le nombre de décès si on laissait faire la nature en espérant cette immunité collective. Les travaux de ces deux chercheurs publiés dans la revue Nature font apparaître : pour la France, entre 100.000 et 450.000 morts du Covid ; pour les États-Unis entre 500.000 et 2.100.000 morts.
♦ Notes explicatives
*La FDA a, entre autres, le mandat d’autoriser la commercialisation des médicaments sur le territoire des États-Unis.
**Enquête réalisée par l’IPSOS pour le World Economic Forum, du 8 au 13 octobre 2020 par internet auprès de 18.526 adultes âgés de 16 à 74 ans issus de 15 pays différents, dont la France.
***En 2019, la Région Occitanie a recensé plus de 600 cas de rougeole ; dont 150 ont nécessité une hospitalisation. Les Pyrénées-Orientales sont parmi les départements les plus touchés de la région avec 73 cas de janvier à septembre 2019.
****Un ancien chercheur avait publié dans la revue The Lancet une étude arguant un lien entre le vaccin ROR et l’autisme. Le 28 janvier 2020, un tribunal prouva la véracité de plus d’une trentaine des inculpations contre le chercheur. Parmi ces inculpations, 4 étaient au motif de « malhonnêteté ». La revue scientifique dépublia immédiatement cette prétendue étude.
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