Article mis à jour le 14 avril 2024 à 08:50
Romain Grau, député En Marche de la 1re circonscription des Pyrénées-Orientales est à la tête d’une mission parlementaire d’ampleur qui vise à dresser « un état des lieux de la situation actuelle des entreprises françaises » et « à l’issue d’une période de 6 mois, prévoit d’améliorer l’efficacité des outils juridiques, fiscaux et administratifs d’accompagnement des entreprises en difficulté ».
À ce jour, et après la crise sanitaire de la Covid-19, les défaillances d’entreprises françaises sont en net recul de 35 à 45% ; 40% dans les Pyrénées-Orientales. Selon le député, quand la perfusion d’argent public cessera et que les débiteurs réclameront leurs créances, surviendra mécaniquement un rattrapage. « Certains experts disent que la baisse sans précédent du PIB ne peut pas se faire sans casse ». Potentiellement, ce rattrapage concernerait les 40% d’entreprises qui auraient dû disparaître ; plus celles qui ne tiendront pas le choc face à la crise. Entretien avec le député Romain Grau sur cette mission parlementaire.
Une mission parlementaire pour quoi faire ?
La mission qui regroupe 23 députés de 3 commissions (finances, économique et commission des lois) a plusieurs objectifs.
« Tout d’abord, il s’agit de suivre cette situation pour ne pas rester dans l’ignorance, dans le mythe, dans la peur. Faire un état des lieux du suivi des entreprises aujourd’hui. Sans cela, nous sommes dépendants des gens qui mettent en avant leurs peurs. Alors que nous devons aller vers le factuel. »
À l’issue de cette analyse, sera évaluée la nécessité d’adapter le droit des entreprises en difficulté ; mais aussi le comment. Comment détecter plus rapidement une entreprise en difficulté ? « Car plus on détecte tôt, plus les entreprises ont des chances de s’en sortir ». Le député rappelle succinctement les 4 phases du droit des entreprises en difficulté.
- La détection. Selon Romain Grau, il existe à Bercy un service chargé d’analyser les signaux faibles. Mais il est possible d’améliorer son fonctionnement pour traiter plus efficacement ces derniers. Parmi ces signaux faibles, le retard dans les paiements de l’Urssaf, des impôts, des fournisseurs ou le retard dans les dépôts des comptes peuvent alerter sur les difficultés d’une entreprise.
- La procédure amiable. En France, selon le député, environ 6.000 entreprises passent, chaque année, par cette phase. Selon l’ancien avocat d’affaires, il s’agit souvent des grandes entreprises ; celles qui peuvent s’arroger les services d’avocats qui vont négocier des délais auprès des différents créanciers. Cette procédure est confidentielle ; et environ 8 entreprises sur 10 qui entrent en procédure amiable rebondissent.
- Par ailleurs, il y a chaque année en France environ 60.000 entreprises qui entrent dans une procédure collective. « Quand l’entreprise franchit ce rubicond, il y a plus de 7 entreprises sur 10 qui ne survivent pas » confie le député.
- Après la cessation de paiements, surviennent le suivi de l’activité, des emplois, la liquidation ou le rebond du chef d’entreprise.
Comment améliorer ce processus ?
Nous devons faire des propositions pour agir à tous les niveaux de cette autoroute de la mort pour essayer de sauver les entreprises. Cela commence par la détection très en amont afin d’apporter le soutien le plus tôt possible. Cette détection doit s’accompagner d’actions. Et aujourd’hui, il manque d’un médiateur auprès de l’entrepreneur qui l’aide sans le juger. Une personne qui pourrait tenir le même rôle que celui du médiateur social pour le particulier endetté.
Ce qui manque, c’est de mettre tout le monde autour de la table pour aider le chef d’entreprise qui commence à avoir des difficultés. Qui pourrait tenir ce rôle ? Peut-être les chambres consulaires, le tribunal de commerce, la Banque de France. Mais ce qui est clair, c’est qu’au niveau de la détection il manque un maillon pour coordonner !
Le « quoi qu’il en coûte » dépend-il de cette mission ?
Quand on va sortir de la crise, l’État va enlever des perfusions de morphine. Car l’argent public, aujourd’hui, c’est de la morphine. Quand vous avez une grave maladie, cela fait très mal ; mais avec la morphine, on sent moins la maladie. Mais elle n’est pas soignée pour autant ! Quand on va enlever la perfusion de morphine, l’économie va ressentir de la douleur. Et les entreprises en difficultés vont en pâtir. D’où l’importance de notre mission, de notre réflexion à reformer notre droit pour le rendre plus agile et plus efficace. Pour faire en sorte, qu’au sortir du processus, il y ait plus d’entreprises, d’activités et d’emplois qui soient maintenus.
Vous avez récemment été épinglé par le Canard Enchaîné pour votre gestion de l’entreprise EAS. Êtes-vous la bonne personne pour présider cette mission ?
Alors oui, ce passé peut me rendre la tâche plus difficile, car cela vient en quelque sorte flouter le vrai objectif de cette mission. Mais moi j’y vois autre chose. J’ai vécu la vie d’un chef d’entreprise dans une entreprise en difficulté, j’ai vécu tous ces moments. Personnellement, je le pendrai dans l’autre sens, comme une chance. Quand j’ai repris EAS ce n’était pas Général Motors avec des rentabilités folles. Non, EAS était déjà allé 5 fois au tapis. J’ai repris une boîte en sachant qu’elle était en difficulté, j’ai eu le courage de travailler.
Je pense que mon expérience avec EAS est plus une chance qu’un handicap dans le cadre de cette mission. J’ai vécu les problèmes de confidentialité, et des fournisseurs qui demandent à être payés au cul du camion. Alors oui, cela demande de ma part une grande objectivité. Ce n’est pas parce que le commissaire aux comptes a refusé de certifier les comptes de EAS que je dois partir en guerre contre les commissaires aux comptes ; contrairement à ce que laisse entendre le Canard Enchaîné. Mais il faut s’interroger sur ces alertes qui arrivent 6 mois après la clôture des comptes.
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