Article mis à jour le 18 juin 2024 à 19:15
C’est à l’occasion des 250 ans de la confrérie que le Grand Orient de France se lance dans une grande opération de transparence. Ce samedi 18 février, les francs-maçons de Perpignan, en présence de leur Grand Maître Georges du Serignac, invitent deux spécialistes pour débattre de la notion de laïcité.
La Sénatrice Françoise Laborde parlera «Femme et Laïcité», quand la philosophe Catherine Kintzler abordera «Condorcet l’instruction publique et la laïcité». Preuve de l’appétence du public tant pour cette organisation qualifiée de secrète que pour le sujet de la laïcité, les 200 places pour la conférence sont déjà réservées.
Le Grand Orient de France revendique 400 membres dans les Pyrénées-Orientales
Le Grand Orient de France est la plus ancienne obédience maçonnique de France ; elle est née sous ce nom en 1773. Aujourd’hui, 250 ans plus tard, le Grand Orient affiche 53.000 frères et sœurs inscrits dans plus de 1.300 loges. À Perpignan selon Pierre*, frère qui tient à conserver l’anonymat, l’association compte environ 400 membres répartis dans 16 loges. Signe que même les associations les plus secrètes se plient à l’égalité, le Grand Orient de France est devenu mixte depuis 2010.
Pierre a accepté de nous révéler quelques détails concernant le fonctionnement de l’obédience dans le département. Pierre est lui-même franc-maçon depuis environ 15 ans. Pour Pierre, il s’agissait «d’avoir activité en dehors du métier, de ses autres activités familiales et profanes. Une activité qui me permette de réfléchir, de me cultiver un peu plus et d’agir.» Selon Pierre, les membres qui veulent intégrer une loge le font dans une quête «d’amélioration personnelle, mais aussi pour travailler sur les sujets philosophiques ou sociaux qui traversent le monde d’aujourd’hui.» Pierre de citer pêle-mêle, la laïcité, la République, la tolérance universelle.
Questionné sur les modalités d’intégration au Grand Orient de France, Pierre reste évasif : «on peut venir chez nous via un parrainage ou sur simple demande auprès de l’obédience.» Signe de modernité, un lien de candidature affublé d’un Qr code est même disponible sur le site du Grand Orient de France. Tout cela est public nous confirme Pierre. Quant à la procédure d’intégration, «c’est là que les choses sont un peu moins publiques» déclare Pierre. Quant à la réputation de société secrète véhiculée dans l’opinion publique, Pierre s’en amuse, «la liberté de conscience et d’expression sont des principes absolus. Et ils peuvent bien penser ou croire ce qu’ils veulent, nous, on laisse dire et on continue !»
La Laïcité comme une notion fondatrice de la République
Pour Françoise Laborde, sénatrice de gauche durant près de 12 ans, la Laïcité est un fil rouge. Selon l’ancienne enseignante, également responsable d’une association sportive et élue à la culture de Toulouse, «la laïcité garantit l’égalité femmes hommes.» L’ancienne Sénatrice rappelle que «toutes les religions quand elles sont un peu intégristes ou excessives pratiquent une forme d’oppression à l’égard des femmes.» Aujourd’hui présidente de l’association Egale, pour Égalité Liberté, Europe, Françoise Laborde reviendra également sur plusieurs sujets d’actualité concernant l’oppression des femmes en Iran ou en Afghanistan.
La Sénatrice s’insurge également à propos des Jeux Olympiques de 2024 à Paris. «Quand j’étais encore Sénatrice, nous avions auditionné Anne Hidalgo sur la double candidature de Paris pour l’Exposition universelle et les JO. J’avais dit que j’aurai préféré que nous ne candidations que pour l’exposition universelle. Je pense vraiment que la France n’est pas capable d’assumer sa laïcité ! Moi ça me gêne vraiment que plus de 4 milliards de téléspectateurs voient en France des sportives voilées. C’est le coup de colère que j’espère partager avec Perpignan samedi prochain.»
Questionnée sur d’autres types d’atteintes à la Laïcité et notamment avec les crèches installées dans des mairies, la Sénatrice déclare : «je trouve ça inadmissible. Mettre des crèches dans les mairies, c’est de la provocation !»
La Philosophe Catherine Kintzler débattra sur Condorcet, dont elle a étudié les textes et publié un essai aux éditions Gallimard. Selon la philosophe, la théorie de Nicolas de Condorcet, député et académicien au XVIIIe siècle, «reste la pensée la plus puissante de l’école républicaine à laquelle elle a donné ses principes émancipateurs et fondamentalement laïques.» Pour rappel, avant les lois Jules Ferry rendant l’école primaire obligatoire gratuite et laïque, les institutions religieuses étaient largement partie prenante dans l’instruction des enfants.
Pour Catherine Kintzler, «aujourd’hui, et contrairement à une politique scolaire qui depuis quarante ans détourne l’école publique de sa mission, la pensée de Condorcet nous rappelle que cette école n’a pas à se conformer à une demande sociale dictée par des impératifs extérieurs et fluctuants ; mais qu’elle a pour objectif l’instruction de chacun selon un modèle raisonné d’appropriation des savoirs autonomes, libres et libérateurs. La laïcité de l’école s’oppose à tout prêchi-prêcha, y compris prétendument républicain : elle est inscrite dans la nature même des savoirs dont on s’instruit pour devenir libre.»
*Le prénom a été modifié.