Article mis à jour le 7 septembre 2022 à 10:38
Dans le cadre des élections régionales qui se tiendront les 20 et 27 juin prochains, Made In Perpignan vous propose les interviews des porteurs de listes dans les Pyrénées-Orientales. Aujourd’hui, Josie Boucher, pour la liste menée par Myriam Martin. Cette dernière est conseillère régionale sortante et ex-présidente de la commission éducation et jeunesse.
♦ Josie Boucher, quel est votre parcours personnel ?
Je suis née en 1948 en Algérie. Comme beaucoup de pieds noirs, j’ai quitté l’Algérie en 1962, et Perpignan est la première ville que j’ai connue par la suite. J’y ai fait mon école, avant de partir à Montpellier pour les études supérieures. Puis j’ai travaillé trente ans en tant que principale de collège en Seine-Saint-Denis. J’ai terminé ma carrière professionnelle à Canet-en-Roussillon.
♦ Comment avez-vous commencé la politique ?
La Guerre d’Algérie – et ses conséquences – ont marqué tous mes engagements depuis l’âge de vingt ans. C’est le fil rouge de mes engagements anticolonialistes, antiracistes et féministes. Des engagements que je n’ai jamais abandonnés. Je suis engagée pour la solidarité; aussi bien dans le cadre politique qu’associatif. Mon combat se porte aussi contre les initiatives des nostalgiques de l’Algérie française. Ils sont, ici, actifs et soutenus. Je suis actuellement militante du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste).
♦ Dans votre parcours politique, quelles sont les grandes dates à retenir ?
Il y a par exemple mon engagement en mai 1968. Il s’est traduit par mon adhésion à la Ligue Communiste Révolutionnaire. Puis, dans les années 70, dans le mouvement féministe. Ces dix dernières années, j’ai été responsable associatif pour l’accueil des migrants. Je leur apporte une aide juridique, en cas de besoin, et j’organise des mobilisations antiracistes et pour la défense des sans-papiers sur le territoire.
♦ Est-ce donc la première campagne électorale que vous animez ?
Oui et cette année est particulière. Nous avons participé à la liste unitaire L’Alternative aux dernières Municipales de Perpignan ; mais nous, le NPA, ne sommes pas toujours présents aux élections régionales et départementales. On ne s’engage pas pour des raisons de forces et de choix politiques ; et non pas pour des raisons de principes, car nous n’avons pas de problème avec ces élections. Cette année, il était important de participer avec une liste unitaire.
♦ Quelles sont les grandes lignes de votre programme ?
C’est un programme radical, et de rupture avec la politique néolibérale qui est appliquée au niveau national et régional. C’est un programme en réaction à une analyse simple : cette politique a résulté de l’important désespoir social dans notre région. Elle pousse un certain nombre de gens à se tourner vers le Rassemblement National. Notre programme a été réfléchi en trois bases. Face à la crise économique, sociale et sanitaire, nous voulons proposer un bouclier : nous sommes pour la protection des emplois, contre les licenciements, le développement d’un système de santé accessible à tous, le maintien et le développement des services publics, les mesures de transition énergétique ; mais nous sommes contre la régionalisation de la santé et les grands projets inutiles. Je pense notamment au projet de Port-la-Nouvelle.
♦ C’est-à-dire ?
En 2019, une procédure de privatisation du port a été votée par les élus locaux. Ce serait donc un consortium privé qui aurait le pouvoir de décision. Des travaux ont été entrepris et délégués à ce consortium privé. Ce sont des millions d’euros qui ont été donnés par la région. Ce sont des deniers publics.
D’une part, c’est une aberration budgétaire, dans la mesure où ce sont des privés qui bénéficient de l’argent public ; et d’autre part, il y a des effets dramatiques sur l’écosystème local, qui sera totalement détruit avec l’agrandissement du port. Nous voulons annuler ce projet. Il est inutile, et il s’appuie sur l’hypothèse d’une augmentation du transport du pétrole. C’est, en ce moment, inapproprié. Ces millions d’euros doivent être réservés au développement des emplois, la santé et l’éducation. C’est pour ces raisons que nous avons lancé notre campagne à Port-la-Nouvelle.
♦ Vous parliez d’un accès plus facile à la santé. Quelles sont vos propositions à ce sujet ?
Nous sommes contre la régionalisation de la santé pensée par Carole Delga. Au contraire, nous voulons que la santé reste un service public et de territoires. Nous nous opposons à tous ces regroupements qui font fermer de petits services comme les maternités. C’est une politique qui éloigne les gens du service public de santé.
Nous voulons généraliser les centres de santé avec des médecins salariés ; car nous savons qu’il y a, en Occitanie, des déserts médicaux. Et notamment dans notre département des Pyrénées-Orientales, avec le Conflent et le Haut-Vallespir par exemple. Les maisons de santé telles qu’elles sont réfléchies aujourd’hui coûtent chèr aux communes. Et les médecins qui y exercent sont des libéraux.
Nous voulons développer avec la Région des centres de santé qui se rapprochent des véritables dispensaires ; avec des médecins salariés. Nous voulons soutenir ce genre de projets à l’échelle régionale ; tout comme le développement les services d’aide à domicile, en relation avec les départements.
♦ À l’échelle des compétences de la Région, le dossier des LGV revient régulièrement sur la table. Quel est votre point de vue sur ce dossier ?
Là encore, ce sont des millions d’euros qui sont dépensés pour pas grand-chose. Globalement nous voulons développer les petites lignes du quotidien. Il faut en réouvrir, il faut en améliorer, et il faut soutenir les remises en état des petites gares de proximité. À l’échelle régionale, nous voulons assurer la gratuité des transports pour les 16-25 ans et les précaires. Ce n’est pas la LGV Perpignan-Montpellier, ou la LGV Bordeaux-Toulouse, qui vont développer notre région ; pourtant, ce sont des projets extrêmement coûteux. L’argent peut être mis ailleurs. Nous voulons que le transport reste un service public. Par ailleurs, il faut maintenir le train des primeurs.
♦ Y a-t-il un rapprochement entre votre liste et celle d’Europe Écologie-Les Verts dans cette campagne des Régionales ?
Non, il n’y en a pas aujourd’hui, et le NPA n’y est pas favorable. Il y a en ce moment une confusion : des accords électoraux ont été faits, à géométrie variable, entre des listes LFI et EELV pour les élections départementales. Mais sur les Régionales, il n’y a pas d’accord. Les Verts ont décidé de partir seuls. C’est leur problème. Le Parti Communiste a décidé de partir avec le Parti Socialiste et c’est aussi son problème.
♦ Au 1er juin un nouveau sondage donne gagnant – à hauteur de 30% au premier tour – le candidat Rassemblement National Jean-Paul Garraud. Qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà réfléchi à un scénario de deuxième tour ?
Nous pensons que les 30% du Rassemblement National sont, malheureusement, signes de l’état de notre Région. C’est le résultat du désespoir. Si Jean-Paul Garraud gagnait, ce serait un désastre pour tout le monde. Quant à un scénario de deuxième tour, pour l’instant, nous n’en avons pas. Nous le déciderons au soir du premier tour.
♦ Quel est votre point de vue au sujet de la subvention attribuée à l’ONG SOS Méditerranée ?
Notre programme veut faire de l’Occitanie une terre d’accueil. C’est l’une de nos lignes phares. Non seulement nous continuerons à financer SOS Méditerranée, mais nous pensons aussi – en plus et en cas de besoin – qu’il faudra ouvrir nos ports à leurs bateaux. Nous voulons aussi développer les centres d’accueil aux frontières pour les migrants.
Aujourd’hui, ici, rien n’est fait pour les accueillir dignement ; contrairement au Pays basque par exemple. Nous nous engagerons fermement sur ces questions. Et il y a du boulot : nous voulons favoriser les actions de sensibilisation dans les lycées contre les discriminations ; mais aussi faciliter l’accès à l’éducation pour les mineurs non accompagnés. Il faut investir dans ces projets. Ou financier des associations pour les réaliser.
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