Article mis à jour le 1 février 2023 à 20:14
Ce lundi 30 janvier débutait la Semaine du film judiciaire à l’Institut Jean Vigo de Perpignan ; organisée en partenariat avec l’Inspection Académique, le Conseil départemental de l’accès au Droit, le Ministère de la Justice. Pour cette première matinée, une rencontre était prévue entre quatre-vingt quinze lycéens, le bâtonnier et le président du Tribunal judiciaire de Perpignan.
Deux classes de Terminale et une classe de Première ont fait le déplacement depuis les lycées Déodat de Severac de Céret, et de Pablo Picasso de Perpignan. Organisateurs et enseignants le savent bien : ce n’est pas tous les jours que les jeunes ont l’occasion de rencontrer des acteurs de la justice de la stature du président du Tribunal de la ville, et du bâtonnier (coordinateur des trois cent quarante-cinq avocats du barreau). Respectivement Pierre Viard et Jacques Malavialle.
Les lycéens ne se font pas attendre. Samy, 18 ans et en Terminale, ouvre le défilé de questions : «Quel est le rôle du président du Tribunal ?» Cela mérite éclaircissements, et Pierre Viard de répondre : «l’organisation du Tribunal pour son bon fonctionnement, ainsi que celui des procès.»
Très vite vient une question aussi capitale que piège : «Est-ce que tout ce qui est légal est juste ?»
Pavé dans la mare ; mais rien de déstabilisant pour les deux professionnels pour qui l’oral doit être une seconde nature.
«Nous sommes encadrés par des lois prévues, et votées par des instances démocratiques, comme le Parlement. Nous ne pouvons pas inventer. Nous n’avons pas le droit, et ce n’est pas notre travail de voir le juste. Mais nous devons nous poser des questions. Il y a eu des périodes troubles comme la seconde Guerre mondiale ; et heureusement, actuellement, on n’est pas dans ce cas. Parfois, aussi, on tombe sur des cas conscience.»
Et Jacques Malavialle complète, avec un sujet peu pointé du doigt, si ce n’est tabou : «Parfois, les lois juridiques ont été faites à chaud ; alors que les choses sont bien conçues avec du temps et de la réflexion. On peut souligner ce qu’on appelle inflation juridictionnelle ou législative : le nombre de lois augmente. Parfois, on s’y perd.»
Le président du Tribunal en profite pour «rappeler que tout être n’est ni tout blanc, ni tout noir.»
Il poursuit : «Il y a une part d’ombre et de lumière en chacun de nous. Certains sont parfois poussés à faire de mauvaises choses. Nous, nous essayons aussi de comprendre, puis d’expliquer pourquoi. Nous sommes surtout dans l’écoute, pour pouvoir avoir le bon jugement. La loi nous oblige à prendre en considération la personnalité que nous avons en face de nous. Nous devons nous pencher sur la personne, et l’étudier.
On ne réprime pas de la même manière un acte commis sous l’effet de problèmes psychologiques, ou psychiatriques, par exemple, et un acte réalisé froidement. Non pas pour excuser tel ou tel fait, non, mais pour penser à un futur retour dans notre société.»
Les questions-réponses ont duré une heure et demie ; et celles qui poussaient à la réflexion n’étaient pas rares.
Un élève a – le temps d’un très court moment – posé une petite colle aux deux experts : «Y a-t-il toujours, en France en 2023, des lois prévues pour outrage à l’État?»
L’élève – pour illustrer sa question – prend exemple sur des arrestations de manifestants « gilets jaunes », qui ont dégradé, volé ou remplacé, des portraits du président Emmanuel Macron dans des lieux comme des hôtels de ville.
Pierre Viard, après quelques doutes, de répondre : «Il y a toujours un certain nombre d’infractions liées à l’outrage à l’État. Mais beaucoup de considérations ne sont plus regardées de la même manière que dans le passé.»
Il complète : «Il faut toujours protéger le respect aux autorités. Et il y a des lois et des condamnations bien précises pour protéger les pompiers, enseignants, forces de l’ordre, représentants et garants de la République.«
Quid de la juridiction des mineurs ? «En France, cela dépend d’une juridiction spécialisée. Et à Perpignan nous avons trois juges ; j’en espère un quatrième.»
Le président continue l’exercice d’information : «Cette juridiction s’occupe par exemple d’enfants en difficultés familiales. De la défense des mineurs maltraités ou abusés. Parfois, il y a aussi des sanctions pour infractions commises par des enfants. Et plus vous êtes âgés, et plus elles se rapprochent des peines réservées aux adultes. Nous ne jugeons pas un enfant de sept ans, comme un grand adolescent de dix-sept ans et demi. »
Pierre Viard et Jacques Malavialle ont pris un temps précieux pour informer sur les différents métiers présents dans les tribunaux, ainsi que leur rôle, et les articulations entre eux ; ou avec des acteurs de cet environnement, comme les forces de l’ordre.
Un sujet clé, pour des jeunes qui vont bientôt entrer dans le post-bac. Comme Samy, celui qui a posé la première question. Il a tendu l’oreille pendant toute la rencontre.
Et pour cause : ce dernier effectue, dans quelques jours, des tests auprès de la Gendarmerie, pour une éventuelle intégration après son bac. «Je voulais faire des études de Droit, mais j’ai changé de plan. Je ne me ferme pas à l’idée de pouvoir les commencer plus tard. Le juridique et la relation avec les forces de l’ordre m’intéressent beaucoup.»
La Semaine du film judiciaire se poursuit à l’Institut Jean Vigo de Perpignan, et toujours à destination des scolaires.
«C’est un rendez-vous incontournable à destination des jeunes citoyens de notre département ; tant au niveau culturel que judiciaire, partage le CDAD66 dans un communiqué. Accessible à tous, attractif et pédagogique, cette manifestation se donne pour objectif d’éclairer par le cinéma un univers juridique, qui interroge au travers d’une programmation de quatre films ; et qui reste en définitive assez méconnu du plus grand nombre, et des jeunes en particulier. Un débat constructif est organisé après chaque projection entre un professionnel du droit (avocat, magistrat), et le public, afin de poser un nouveau regard sur la réalité du monde judiciaire français.»