Article mis à jour le 5 janvier 2024 à 17:32
Dans son dernier rapport, la Miviludes* indique que la crise sanitaire a été « un terreau fertile » pour l’avènement du complotisme, des nouveaux phénomènes à l’état « gazeux » et des gourous 2.0.
« Les pseudos guérisseurs profitent du contexte pour remettre en cause la science »
Selon le Président de la Miviludes, Christian Gravel, la crise sanitaire et son cortège de confinements et autres pass-sanitaires ont constitué « un terreau fertile » pour l’émergence des gourous 2.0. La Miviludes qualifie ces acteurs de « dérapeutes », terme qui vient de la contraction de deux mots : dérapage et thérapeute. Le rapport indique que ces « dérapeutes » agissent par l’affaiblissement des victimes et par le rejet de la médecine conventionnelle. « Le gourou du cru« , Thierry Casasnovas, a ainsi reçu le plus grand nombre de signalements. Particulièrement favorisé par l’algorithme des réseaux sociaux en 2021 ; la Miviludes indique avoir traité 54 saisines à son encontre.
« Il use également d’un discours s’inscrivant dans le complotiste pour s’opposer à la médecine conventionnelle. Dans ses vidéos YouTube, il affirme que les maladies n’existent pas et accuse les médicaments et la vaccination d’être nocifs pour la santé ».
Malgré plusieurs menaces sur sa chaîne YouTube et ses réseaux sociaux, Thierry Casanovas poursuit son activité sur les plateformes. Il a également conduit ses adeptes à investir de nouveaux réseaux et messageries (télégram, email…).
Thérapies non conventionnelles, réseaux sociaux et complotisme
Si les « multinationales de la spiritualité » comme la scientologie et les témoins de Jéhovah persistent, des « manipulateurs isolés et parfaitement autonomes » ont pu exploiter la crise du Covid pour propager leur doctrine sur les réseaux sociaux. Ces « gourous 2.0 » ont pu s’offrir, non seulement une véritable vitrine publicitaire pour leur activité, mais aussi un espace pour réunir et contrôler une communauté virtuelle dont la souffrance est – quant à elle – bien réelle.
La Miviludes observe un phénomène sectaire « à l’état gazeux » : le groupe est bien là, mais il est mobile, changeant et impalpable. « Ses membres y adhèrent ou se désolidarisent facilement en créant d’autres groupes, selon la lecture qu’ils font du contenu doctrinal. Certains pourront alors sans mal l’essaimer à l’identique ou avec des variantes ».
Le rapport 2021 dresse un lien clair entre les phénomènes sectaires et les thèses complotistes. La porosité entre les deux phénomènes et leur interdépendance tend à s’accroître, les théories du complot nourrissant largement les mouvements sectaires.
« La rhétorique utilisée par ces groupes et individus se veut en opposition à l’ordre établi : les institutions étatiques seraient corrompues, la société serait décadente, la médecine conventionnelle inefficace, etc. Ces discours, caractéristiques des théories complotistes, se nourrissent les uns des autres et se renforcent mutuellement ».
Hausse des signalements
L’enseignement principal du rapport annuel 2020-2021 est l’augmentation continue, d’une année sur l’autre, du nombre des signalements à la Miviludes : plus de 33% entre 2020 et 2021, plus de 44% entre 2018 et 2021 et plus de 86% entre 2015 et 2021. Les 4.020 signalements comptabilisés pour l’année 2021 représentent un record. Ces chiffres alarment d’autant plus les pouvoirs publics qu’ils ne constituent que la seule part visible d’un phénomène plus large.
Sur les 4.020 signalements comptabilisés en 2021, environ 20% concernent le champ de la santé ; soit 744 dossiers dont 70% relèvent de pratiques de thérapies non conventionnelles (520 dossiers). 10% des saisines concernent des mineurs, directement ou indirectement (soit 396 dossiers). Enfin, presque 4% des saisines concernent le complotisme et le mouvement antivax (soit 148 dossiers). Ces saisines ont déjà donné lieu à une vingtaine de signalements au Procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.
La secrétaire d’État en charge de la Citoyenneté lancera en 2023 les premières assises des dérives sectaires et du complotisme. Selon Sonia Backès, la réponse de l’État doit de changer d’échelle pour proposer des solutions efficaces. Selon la secrétaire, les assisses permettront « de bénéficier de tous les outils nécessaires pour combattre efficacement ce fléau ».
*Miviludes : Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
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