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Témoignages | Comment j’aurais espéré pouvoir mourir

26/01/2021, Perpignan, France, quotidien des soignants hôpital St Jean secteur Covid-19 et réanimation © Arnaud Le Vu / MiP

Article mis à jour le 13 septembre 2022 à 11:55

Le débat sur l’euthanasie refait surface en France ; principalement orienté sur la liberté individuelle de disposer de son corps et d’être maître de sa vie ou de sa mort. Certains sont pour, d’autres contre. Au-delà du volet éthique et religieux, Made in Perpignan a choisi de laisser la parole à des patients ; ceux qui ont dû ou doivent faire face à cette question et préparer leur mort.

♦ « Vous n’êtes pas encore en état végétatif, eh bien vous sautez d’un pont ! »

Comme beaucoup d’autres, Barbara Lefebvre estime que la loi Leonetti suffit à satisfaire les besoins actuels puisqu’elle interdit l’acharnement thérapeutique. Sur LCI, le 6 avril 2021, l’enseignante et essayiste a déclaré « mais quand on vous annonce une maladie incurable et que vous n’êtes pas encore en état végétatif, eh bien vous sautez d’un pont ! Je veux dire, il y a un moment donné…« . Des propos qui n’ont pas manqué de faire réagir. Pourtant, quelle serait l’alternative à cette proposition ?

Les soins palliatifs ont pour but d’alléger les souffrances du patient afin de lui garantir une meilleure prise en charge. L’objectif n’est pas de guérir mais de préserver jusqu’à la fin la qualité de vie des personnes et de leur entourage. Mais est-ce vraiment la réalité ? Comment les gens meurent en France ? Plus connu sous le pseudo de L’Homme Etoilé, Xavier, un infirmier en soins palliatifs, a décidé à travers ses dessins de raconter son quotidien en tant que soignant dans cette unité de soins.

Xavier affirme que son travail n’est pas « d’empêcher la mort mais de faire en sorte qu’elle se passe le plus sereinement possible ».

26/01/2021, Perpignan, France, quotidien des soignants hôpital St Jean secteur Covid-19 et réanimation © Arnaud Le Vu / MiP

♦ Et cela soulève une autre question : le choix de la mort ne doit-il pas être fait par le patient plutôt que par le médecin ?

Pauline, 28 ans, se confie. « En tant que patiente suivie dans divers hôpitaux pour une maladie génétique depuis mon adolescence et soignée pour un cancer récent, j’estime avoir le droit de choisir le moment où je voudrais mourir. »

« Toute ma vie se résume à écouter les médecins et suivre les avis médicaux ; pour aller mieux, pour vivre mieux. Mais cela nécessite tant d’efforts et de sacrifices. Alors, si un jour mon état se dégrade davantage et que je ne peux plus supporter les traitements ou les douleurs, j’aimerais avoir le droit de choisir quand je vais mourir. »

« Je voudrais partir en douceur, et que cela soit encadré. Que, pour une fois, le choix du patient, mon choix, soit pris en compte. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, je suis la seule à pouvoir juger de ma souffrance. Je fais une totale confiance aux médecins, mais je voudrais pouvoir leur dire ‘croyez-moi et écoutez-moi‘. »

21/04/2020, Sorèdes, France, EHPAD maison de retraite de Sorèdes dans les Pyrénées-Orientales / Prise en charge médicale des personnes âgées et de la dépendance à l’heure de la crise sanitaire Coronavirus Covid-19 © Arnaud Le Vu / MiP / APM

♦ Gladii, nous livre, elle aussi, son histoire et son témoignage.

« Je ne vais pas aller par 4 chemins ; comme Pauline, je suis pour l’euthanasie. Actuellement atteinte d’un cancer du sein métastasé, j’ai commencé fin 2020 à avoir besoin de me renseigner sur la mort. Dans mon cas, cela a un côté assez rassurant. Lorsqu’on prend le temps de s’informer, on sait à peu près à quoi se préparer ; on s’imagine plus facilement ce que l’on pourra vivre. Ça me semblait important aussi de le faire pour ne pas laisser cette charge à mes parents et mes proches, qui auront déjà un deuil à faire.

Dans mes recherches sur la mort s’est naturellement posée la question de l’euthanasie. Elle est parfois mal perçue, comme un abandon des personnes malades et/ou handicapées par le corps médical. Je pense que c’est une inquiétude légitime ; certains d’entre nous ont subi des violences de la part de soignants, ou qui n’ont pas su nous écouter.

Se pose aussi la question des personnes trop jeunes pour donner leur avis (on se souvient de l’histoire d’Anne Ratier qui a tué son fils, âgé de trois ans à l’époque, parce que “trop handicapé”) ; ou trop vieilles, à qui on pourrait imposer l’euthanasie. L’euthanasie pourrait se transformer en meurtres de personnes jugées trop “fragiles” ou trop “coûteuses” par la société. Il est important de placer un cadre clair pour ne pas permettre ce genre de pratiques.

26/01/2021, Perpignan, France, quotidien des soignants hôpital St Jean secteur Covid-19 et réanimation © Arnaud Le Vu / MiP

♦ Pour autant, je reste fondamentalement pour l’euthanasie ; et ce pour des raisons très personnelles.

En 2017, alors qu’on venait de me diagnostiquer mon cancer, j’ai dû faire face à deux épisodes de souffrance intense, que la morphine ne parvenait pas à calmer, à hurler de douleur. À l’époque, même si sur le moment je pensais mourir tant c’était insupportable, je savais que ça allait s’arranger.

Et effectivement, ça s’est arrangé. Aujourd’hui en 2021, je suis toujours sous morphine, mais je peux mener une vie quasi-normale. Cela dit, il reste dans un coin de ma tête cette peur de la douleur, une douleur intense, horrible, que je ne souhaite à personne.

Comment organiser sa mort en France ?

♦ Quand on arrive aux limites de ce que peut proposer la médecine un jour.

Pour le moment, et grâce à une équipe médicale à l’écoute, j’ai la chance de pouvoir vivre. Mais je sais avec un cancer métastasé, (qui a déjà évolué courant 2020) qu’il y a un risque que mon état se dégrade progressivement ; et qu’on arrive aux limites de ce que peut proposer la médecine un jour. Ce jour, je le souhaite le plus tard possible, comme beaucoup de malades j’ai encore plein de choses à vivre. Mais je trouve important de s’y préparer, de parler de ce que l’on souhaite, en amont.

Dans mon cas, si je dois revivre les douleurs que j’ai endurées en 2017, sans espoir d’amélioration, je préférerais qu’on m’autorise à l’euthanasie. De plus, je considère que laisser la personne sédatée en espérant/supposant qu’elle ne souffre pas, tout en supprimant l’alimentation pour “la laisser partir” est d’une violence inouïe pour les proches qui doivent attendre.

Et c’est aussi profondément hypocrite : on ne tue pas, mais on sait que la personne est en bout de course. Laisser la personne mourir “naturellement”, c’est aussi laisser le corps se détériorer.

♦ J’ai fait le choix de mourir chez moi, pour pouvoir être malgré tout entourée.

Comme Pauline, à défaut d’avoir un réel choix quant aux traitements, j’aimerais pouvoir choisir quand et comment mourir. J’aimerais pouvoir m’entourer de mes proches pour vivre mes derniers instants, et partir sereinement. La maladie est déjà une source de souffrance quotidienne, donc j’aimerais pouvoir adoucir la toute fin. Aujourd’hui, si je souhaite bénéficier de l’euthanasie, cela a un coût : je dois aller dans les pays voisins (Belgique, Suisse), à mes frais. Mes proches ne pourraient donc pas m’accompagner. Dans la situation actuelle, je fais le choix de mourir chez moi, pour pouvoir être malgré tout entourée.

Je comprends et entends les médecins qui ne sont pas à l’aise avec le fait d’euthanasier, parce qu’ils ont fait ce choix d’études et de carrières pour sauver des vies. Malgré tout, la mort fait partie de la vie, on ne l’effacera pas en l’ignorant. Je pense qu’il est important d’en parler sereinement, sans tabou, pour accompagner jusqu’au bout, et dans le respect des patients.« 

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Pauline Garnier