Article mis à jour le 4 septembre 2022 à 14:06
Parmi les 25 reportages de Visa 2021, nous avons pu interviewer Angelos Tzortzinis, photojournaliste grec auteur de la série « Les derniers jours du camp de Moria ». Depuis 8 ans, il travaille sur les migrations. Dans cette exposition, Angelos montre le quotidien de ces réfugiés quelques jours avant l’incendie du 9 septembre 2020 qui a détruit le camp sur l’île grecque. Angelos Tzortzinis documente également la nuit de l’incendie et l’errance de ces milliers de personnes qui finiront par intégrer un nouveau camp. L’exposition est encore visible pour quelques jours à la Chapelle du Tiers-Ordre.
« Des dizaines de milliers de personnes fuyant la guerre et la pauvreté sont bloquées en Grèce depuis le pic de la crise des réfugiés en Europe en 2016. Selon un rapport de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) publié en mars 2016, plus d’un million de personnes étaient arrivées en Grèce depuis le début de l’année 2015, principalement des réfugiés de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan. Lorsque les pays des Balkans et d’Europe au nord de la Grèce ont fermé leurs frontières, plus de 90.000 migrants se sont retrouvés piégés dans le pays, dans des camps ou dans les rues ».
♦ Angelos, quelle est la photo la plus marquante de votre point de vue ?
Angelos nous désigne alors une photo située dans un coin de l’exposition ; une prise de vue où un jeune adolescent porte dans ses bras un enfant. Dans cette nuit du 9 septembre 2020, ils fuient les flammes du plus grand camp de réfugiés d’Europe. L’adolescent regarde l’objectif du photographe sans réellement le voir. On peut déceler dans son regard, la frayeur et la détermination de mettre l’enfant qu’il porte en sécurité. Pour Angelos, cette photo contient beaucoup de choses. « Les gens courent pour sauver leur vie. Le jeune homme tient ce garçon, je ne sais pas s’il est de sa famille. Il s’agit peut-être de son petit frère ou de son ami, mais ça montre la solidarité entre eux« .
♦ Comment décrire aujourd’hui votre sentiment la nuit de l’incendie ?
La situation était réellement chaotique. Cette photo durant l’incendie est très importante pour moi. À ce moment précis, 20.000 personnes vivaient dans ce camp construit au départ pour accueillir 3.000 personnes. Après le feu, les gens se sont crus libres ; car Moria était comme une prison pour eux. Les familles erraient dans les rues sans destination précise. J’ai visité le camp plus d’une vingtaine de fois, et j’ai vu les familles s’agrandir. Car les réfugiés peuvent rester dans ce type de camps plus d’une année, parfois 18 mois voire plus.
Après la destruction, j’ai eu un étrange sentiment ; je ne savais pas si c’était une bonne ou une mauvaise chose pour eux. Même si un nouveau camp a été reconstruit depuis, et je crois qu’il est un peu mieux, les gens sont toujours en attente de papiers et ils continuent à souffrir de la faim. Et surtout avec les récents évènements en Afghanistan, personne ne sait ce qu’il va se passer.
♦ Angelos, pouvez-vous nous parler de vos projets ?
Désormais, je travaille sur les différents paysages de la migration; avec notamment ces murs construits aux frontières de l’Europe. Je crois que chaque photographe doit avoir une approche différente des choses ; et j’ai envie de travailler sur ces paysages qui étaient ouverts jusque-là. Au-delà de la nuit de l’incendie, je reste un photographe avant tout. Car je suis un jeune papa, et bien sûr je suis touché par la détresse de ces personnes. Je considère que je les aide par mon travail, par l’information que je fais passer, par la médiatisation de leurs histoires, c’est ça mon pouvoir.
♦ Croyez-vous qu’il y ait trop de photojournalistes sur le terrain ?
Je travaille sur les migrations depuis 8 ans. Et c’est vrai qu’en 2015, beaucoup de photographes sont venus en Grèce pour faire des reportages sur la crise des migrants. Mais j’ai l’avantage d’être Grec, et je vis le problème de l’intérieur ; je ne suis pas un simple visiteur. Et je crois que c’est un avantage sur les autres. Déjà quand j’étais jeune, j’ai vécu l’arrivée des migrants venus d’Irak. J’étais tout petit et je jouais dans les rues avec les enfants irakiens. Pour moi, l’histoire est plus simple à raconter, parce que j’ai l’ancienneté.
C’est un peu comme quand je viens à Perpignan pour seulement 3 jours par an, tout me semble très beau, les gens sont gentils. Alors qu’il doit aussi y avoir des soucis, ici comme ailleurs. Je ne pourrai jamais traiter les problématiques de Perpignan comme un photographe d’ici.
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