Article mis à jour le 8 septembre 2022 à 15:35
Cette nouvelle rubrique Ici comme ailleurs met en lumière des initiatives du monde entier ; avec cette particularité qu’elles font écho à des problématiques présentes sur notre territoire. Pour ce nouvel article, les optométristes et les dentistes américains tentent d’obtenir l’autorisation de vacciner les patients lors des examens de routine des yeux et des nettoyages dentaires ; une histoire relatée par Rachel Bluth de Kaiser Health News. Photo de Une © Idhir Baha.
♦ Miser sur une compétence étendue
À travers tous les États-Unis, ces professionnels de santé clament que leur aide sera nécessaire pour vacciner les millions d’Américains ; arguant qu’ils en possèdent déjà le savoir-faire.
« Quand on regarde ce que font les dentistes et le nombre d’injections qu’ils font jour après jour, je pense qu’ils sont plus que qualifiés », déclare Jim Wood ; dentiste et membre de l’assemblée de l’État de Californie. « C’est une sorte d’évidence. »
En Californie, les organisations professionnelles représentant les dentistes et les optométristes sont en pourparlers avec les responsables de l’État pour élargir leur description de poste afin d’y inclure l’administration de vaccins. L’Oregon a déjà commencé à former et à certifier des dentistes pour l’injection de vaccins. Et au moins la moitié des États ont envisagé d’autoriser les dentistes à administrer les vaccins Covid selon l’Association américaine des conseils dentaires.
♦ Alléger la pression sur les hôpitaux et les cabinets médicaux
Ces dentistes et optométristes – qui demandent l’autorisation de vacciner les patients contre la Covid-19 et d’autres maladies – affirment que leur aide permettra d’alléger la pression sur les hôpitaux et les cabinets médicaux. Cela pourrait également leur permettre d’apporter un peu d’argent supplémentaire à leurs cabinets.
« Chacun dans notre système de soins de santé spécialisé devrait également jouer un rôle préventif », déclare le Dr William Sage, professeur de droit et de médecine à l’université du Texas-Austin. « Pandémie ou pas, être attentif à la santé préventive est une bonne chose ».
Ce ne serait pas la première fois que des professionnels de la santé autres que des médecins administreraient des vaccins pendant une pandémie. Les étudiants en soins infirmiers, les ambulanciers et les sages-femmes d’une poignée d’États se sont vu accorder une autorisation temporaire et limitée pour administrer des vaccins antigrippaux pendant la pandémie de grippe porcine H1N1 de 2009-2010. Des dentistes du Massachusetts, de l’Illinois, de New York et du Minnesota ont également été temporairement désignés comme vaccinateurs.
Depuis lors, le Minnesota et l’Illinois ont adopté des lois permettant aux dentistes d’administrer des vaccins antigrippaux aux adultes. Et l’année dernière, l’Oregon est devenu le premier État à autoriser les dentistes à administrer n’importe quel vaccin à n’importe quel patient ; qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un adulte.
♦ L’Oregon forme massivement dentistes et étudiants
Jusqu’à présent, plus de 260 dentistes et étudiants en médecine dentaire de l’Oregon ont suivi le cours de formation dispensé par l’Oregon Health & Science University.
Les étudiants passent environ 10 heures devant des cours en ligne. Ils suivent ensuite une formation pratique au cours de laquelle ils s’exercent à faire des injections sur une épaulette ; avant de s’entraîner à injecter une solution saline à un partenaire. On leur apprend à conseiller les patients sur les vaccins ; ainsi qu’à éviter de blesser les épaules des patients lors des injections.
Une fois que les dentistes ont passé cet examen, ils peuvent s’inscrire auprès de l’autorité sanitaire de l’Oregon et commencer à former leur personnel à la manipulation des vaccins ; sans oublier de se procurer un réfrigérateur pour les conserver.
Selon la formatrice Mary Pat Califano de l’université de l’Oregon, l’objectif n’est pas de remplacer les médecins de famille ; mais de les compléter. L’Agence fédérale pour la recherche et la qualité de la santé a constaté qu’en 2017, 31,1 millions d’Américains avaient consulté un dentiste mais pas un médecin.
« Nous avons juste besoin que le plus grand nombre possible de personnes se fasse vacciner contre la grippe et administrer les vaccins COVID-19 lorsqu’ils sont disponibles », insiste Mary Pat Califano. « S’il arrive qu’ils se trouvent dans un cabinet dentaire, et que ce prestataire est formé et capable de vacciner, pourquoi pas ?
♦ Après les pharmaciens californiens, au tour des dentistes ?
En Californie, l’association dentaire de l’État explore également les possibilités légales d’administrer des vaccins ; ce qui nécessite préalablement l’intervention du législateur. Cette année, la Californie a adopté une loi permettant aux pharmaciens d’administrer les vaccins Covid-19 approuvés par la Food and Drug Administration américaine.
« Nous réalisons des injections dans la bouche toute la journée ; et ce sont des piqûres très précises », rappelle Jim Wood. « Je pense que le temps d’apprentissage pour un dentiste sera court. »
Selon le Dr Bill Schaffner, professeur de médecine préventive et de maladies infectieuses à l’université Vanderbilt, ces propositions visant à accroître la main-d’œuvre dans le domaine des vaccins sont prometteuses.
Mais Bill Schaffner ne pense pas que les dentistes et les optométristes joueront un rôle majeur dans l’effort de vaccination contre la Covid. Selon lui, il serait trop long d’adopter une législation visant à étendre le champ d’application de la pratique à tous les professionnels qui le souhaitent dans tous les États. Et comme certains vaccins Covid ont des exigences spécifiques en matière d’expédition et de stockage en dessous de zéro, ils ne seront probablement distribués qu’à du personnel spécialement formé dans un petit nombre d’endroits. Sans oublier la question financière. Il est difficile – mais pas impossible – de faire des bénéfices en administrant des vaccins dixit le docteur Schaffner.
♦ Une rentabilité quasi-nulle de la vaccination
À chaque saison, les professionnels de santé doivent déterminer le nombre de doses à acheter ; et celles qui s’altèrent ou qui restent dans le réfrigérateur à la fin de leur durée de conservation représentent un manque à gagner.
« Les professionnels qui font cela peuvent augmenter leurs revenus ; mais personne ne va conduire une Porsche grâce à la vaccination. »
Dr Bill Schaffner
Professeur associé d’économie de la santé à l’école de pharmacie de l’Université de Californie du Sud, Jeff McCombs reconnaît qu’il n’est peut-être pas rentable pour la plupart des dentistes de commencer à vacciner. Il sera difficile de maintenir un réfrigérateur de vaccins bien rempli et suffisamment varié pour répondre aux besoins des patients sans gaspiller les doses.
Alors que le département de la santé publique de Californie confirme que l’infrastructure actuelle de l’État en matière de vaccins est suffisante pour les vaccins contre la grippe et les vaccinations de routine, le département « étudie attentivement la nécessité d’inclure des types supplémentaires de vaccins » pour faire vacciner les Californiens contre la Covid-19.
♦ Les ophtalmologues dans les Starting blocks
De son côté, l’Association d’optométrie de Californie indique être en pourparlers avec le groupe de travail du gouvernement Gavin Newsom sur la manière d’intégrer les optométristes dans le processus ; et qu’elle étudiait également les options législatives.
« Nous pouvons jouer un double rôle ; à la fois aider à répondre aux besoins en termes de vision, mais aussi protéger contre la Covid-19 », indique David Ardaya. Selon cet optométriste de Whittier impliqué dans les concertations, « notre espoir est d’aider notre nation à retrouver sa santé et à retrouver un sentiment de normalité ».
Malgré l’absence de finalisation des règlements d’application, Frank Giardina, optométriste de Nipomo, a pris les devants et a suivi un programme de certification. Ce cours de 20 heures, qui comprend des conférences en ligne, des leçons pratiques et un examen, est le même que celui que suivent les pharmaciens pour apprendre à administrer tous les vaccins aux personnes de tous âges.
Parmi ses motivations professionnelles, Frank Giardina évoque le zona, ou virus de l’herpès zoster. Ce virus peut infecter les yeux ; et même s’il est autorisé à traiter le zona, il ne peut pas administrer de vaccin pour le prévenir. Pour l’instant, il garde l’espoir d’obtenir l’autorisation d’administrer des vaccins ; y compris pour la Covid-19.
« Nous sommes un autre membre de l’équipe soignante. C’est un gaspillage de main-d’œuvre de ne pas le faire », objecte Franck Giardina. « Si vous essayez de vacciner tous ces gens, surtout dans les zones rurales, vous aurez besoin de tous ceux que vous pouvez trouver. »
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« Cette histoire fait partie du programme SoJo Exchange du réseau Solutions Journalism Network, une organisation à but non lucratif qui se consacre à des reportages rigoureux sur les réponses aux problèmes sociaux ».
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