Article mis à jour le 25 janvier 2022 à 09:23
96% des rivières échantillonnées sur la zone Poctefa – qui comprend la Catalogne, l’Aragon, le Pays Basque, La Rioja, Navarre, Andorre et des départements du sud de la France – contiennent des bactéries résistantes aux antibiotiques. Idem pour les stations d’épuration, collecteurs des hôpitaux et abattoirs étudiés. Telles sont les conclusions dévoilées ce mercredi d’une recherche transfrontalière impliquant des chercheurs de l’École d’ingénierie agricole (ETSEA) de l’Université de Lleida (UdL). Dirigé par l’Université de Saragosse (Unizar), le projet « Outbiotics » a confirmé que les concentrations les plus élevées d’antibiotiques sont détectées dans les eaux proches des élevages intensifs de volailles et de porcs ; notamment dans les sous-bassins du Segre, Cinca et Gállego.
♦ Des cours d’eau plus contaminés en Espagne qu’en France
Les scientifiques du consortium ont prélevé des échantillons à Lleida sur les rivières Segre et Noguera Ribagorçana ; dans le cas de l’Aragon dans le Cinca, Alcanadre, Aragón Subordà, Clamor Amarga, Flumen, Arba de Riquel et Gállego ; en Navarre, dans les fleuves Èbre, Aragon, Irantzu, Arakil, Queiles, Arga, Ega et Bidassoa, et en France, dans la Garonne, l’Adur, le Gabas, la Save, l’Echez et la Baïse. Ainsi, ils ont confirmé la présence chronique d’antibiotiques dans les eaux frontalières de l’Espagne et de la France ; en particulier de l’enrofloxacine (un type de fluoroquinolone) et de la sulfadiazine (un type de sulfamide).
Les résultats indiquent une concentration plus élevée d’antibiotiques dans les rivières espagnoles par rapport aux rivières françaises. En particulier dans les zones rurales du bassin de l’Èbre, dans les cours d’eau moyens ou bas ; où l’élevage intensif et l’activité agricole prédominent comme moteur économique
Concernant les eaux usées des grandes agglomérations, les analyses ont détecté la présence habituelle d’azithromycine, d’enrofloxacine et de triméthoprime dans les collecteurs d’entrée des stations d’épuration échantillonnées.
♦ Un additif alimentaire qui réduirait l’usage les médicaments dans les fermes ?
Les universités de Saragosse, Navarre et Lleida ont évalué des nanoparticules à base de kaolin et d’argent. Utilisé comme additif alimentaire pour animaux, ce nanomatériau réduit l’incidence des maladies infectieuses et l’utilisation d’antibiotiques chez le bétail. Les scientifiques ont découvert qu’il agit contre un large éventail de bactéries, même sur des souches résistantes aux antibiotiques, et qu’il n’a aucune génotoxicité.
Ils ont également validé que son incorporation en tant qu’additif dans l’alimentation des porcs et des poulets contribue à améliorer l’efficacité de la production, en réduisant la mortalité et sans produire d’effets toxiques sur les animaux. Aucune accumulation d’argent n’a été détectée dans les tissus musculaires des animaux, « ce qui indique un faible risque pour la santé humaine résultant de leur consommation », précisent les chercheurs.
♦ Lisier, stations d’épuration, comment faire ?
Le Département de la production végétale et des sciences forestières de l’Université de Lleida a évalué l’impact environnemental et microbiologique du lisier provenant d’aliments pour porcs nourris avec ces aliments complétés par ces nanomatériaux à base d’argent. L’utilisation de ce lisier comme amendement organique dans les cultures expérimentales de maïs n’a pas produit d’effets significatifs sur le sol ou la production agricole. Le microbiome du sol n’a pas été affecté ; tout comme les niveaux d’argent naturel.
Concernant l’élimination des antibiotiques dans les stations d’épuration, les scientifiques ont analysé la faisabilité de trois technologies. D’une part, l’oxydation au ferrate de potassium, qui s’est avérée efficace mais peu viable en raison de sa faible stabilité et de son prix ; l’adsorption avec de la poudre de charbon actif, qui est capable d’éliminer les antibiotiques mais nécessite une régénération du charbon pour être réutilisé, et enfin la photocatalyse au dioxyde de titane, qui dégrade les antibiotiques et réutilise le catalyseur.
♦ Le projet Outbiotics en quelques lignes
Outre l’UdL et Unizar, l’Université de Navarre (UN), l’Institut des sciences analytiques et de physico-chimie pour l’environnement et les matériaux (IPREM-CNRS) de l’Université de Pau (France) a participé au projet ; ainsi que les sociétés Navarra de Infraestructuras Locales, SA, (NILSA) et Laboratorios Enosán, SL.
Le projet ‘Outbiotics’ a été cofinancé par le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) à travers le Programme Interreg VA Espagne-France-Andorre (POCTEFA 2014-2020). Des chercheurs des départements de Chimie, Sciences animales et Production végétale et Sciences forestières ont participé à l’UdL.
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