Article mis à jour le 1 octobre 2023 à 03:18
La réserve Africaine de Sigean fête ses 45 ans. Ce parc animalier semi-naturel de plus de 300 hectares accueille pas moins de 2800 animaux, de 140 espèces différentes. Des espèces dont nombre sont menacées de disparition à l’état sauvage. Rencontre avec Marianne De Jésus, à Sigean depuis 1999. Elle est chargée des relations avec l’Association Européenne des Zoos et Aquariums (EAZA de l’anglais European Association of Zoos and Aquaria).
Créée dans les années 80, l’EAZA répertorie l’arbre généalogique complet de chaque animal vivant au sein de l’un des 300 parcs, réserves et aquariums adhérents. Cette gigantesque base de données permet d’éviter la consanguinité entre individus par les échanges d’animaux entre les membres de l’association. La mission est de conserver et de maintenir une population saine et avec la plus grande diversité génétique sur une période de 100 ans.
♦ Un rhinocéros sur le départ et une girafe bientôt arrivée
« À Sigean, nous allons avoir un nouveau mâle girafe de 3 ans et demi ou 4 ans qui vient de République Tchèque pour prendre la place du mâle qui a quitté le groupe de 4 femelles girafes réticulées ». Une espèce à ne pas confondre avec les girafes de Kordofan présentes en nombre sur l’une des zones visibles en voiture. Un âge correct pour le transport, car il n’a pas encore atteint sa taille adulte. Un mâle girafe adulte peut mesurer jusqu’à 6 mètres. Il s’agit de l’animal le plus haut du monde.
Marianne de rajouter, « il est bien dans sa tête ». Une information importante afin qu’il s’intègre au mieux au sein du groupe. Information également contenue dans sa fiche gérée par le coordinateur de l’espèce en plus de son matériel génétique.
La réserve de Sigean participe à 36 programmes d’élevage, dont le Rhinocéros blanc. Marianne nous confirme que le jeune mâle né au sein de la réserve est sur le départ. « Il est bientôt temps pour lui d’aller voir un peu de pays. Il est en âge d’aller faire sa vie ailleurs. Nous sommes donc en contact avec le coordinateur de son espèce pour lui trouver un nouvel espace. Ailleurs, il pourra être utile pour des programmes d’élevage. Alors qu’ici, il est apparenté avec nos deux femelles, et donc il ne peut pas rester au sein du groupe ».
♦ La méthode naturelle pour les accouplement
Dans le cadre des programmes d’échanges de l’EAZA, la réserve a reçu deux mâles guépards d’un parc ardéchois. « Je crois qu’ils ont fait leur travail », nous confie avec fierté Marianne. « Nous sommes en attente de voir si la femelle qui venait d’Allemagne est gestante ». Ici pas besoin d’insémination artificielle, l’accouplement se passe de manière naturelle. Marianne de lancer avec humour : « Est-ce que c’est l’air ou le savoir-faire des soigneurs… Je ne sais pas, mais nous avons la chance que tout se passe bien naturellement ».
Car certaines espèces ont beaucoup de mal à se reproduire en captivité. Le fait que les animaux se reproduisent de manière naturelle est considéré par la communauté scientifique comme un signe de bien-être de l’animal.
♦ Le danger des animaux sauvages élevés par des particuliers
Aujourd’hui, la plupart des animaux viennent d’échanges. Il n’y a plus du tout de prélèvement dans la nature, insiste Marianne. Mais il peut arriver que des animaux proviennent de saisies de la douane ou de chez des particuliers. Mais cela reste compliqué de les insérer dans des groupes existants. Outre le volet sanitaire, ils sont difficilement socialisables du fait d’une trop grande proximité avec l’homme.
Les soigneuses-animatrices ont, entre autres, pour mission la sensibilisation des publics à la protection des animaux sauvages dans leur milieu naturel. L’une d’elles nous confiait que parfois certaines personnes se croyaient capables de domestiquer un animal sauvage. Un guépard, ou un chimpanzé. « Ils ne se s’imaginent pas les risques qu’ils prennent, ni pour eux ni pour l’animal. Ces animaux sont ET restent sauvages. Et quand ils sont élevés par des particuliers, ils développent des comportements dépressifs, ce qui les rend encore plus dangereux pour l’humain ».
Sans oublier que ces pratiques sont totalement illégales. Il est très difficile de réintégrer ces individus confisqués par saisie. Ils n’ont pas un comportement normal avec leurs congénères et cherchent en permanence le contact avec l’humain. Une proximité avec l’animal que même les soigneurs évitent. Afin que les animaux aient un agissement le plus fidèle possible avec celui qu’ils pourraient avoir à l’état sauvage. « Il est important de comprendre que ce ne sont pas de gros chats que l’on peut câliner » s’agace l’animatrice.
♦ Le retour des éléphants d’Afrique à Sigean ?
« Nous avons eu des éléphants à Sigean, mais nous n’en avons plus… Surtout, car les conditions d’espace que nous avions à leur offrir n’étaient pas les meilleures. Mais, nous travaillons à faire revenir cette espèce. Nous n’avions plus qu’une femelle après la mort du mâle. Du fait de l’instinct grégaire de cet animal, nous ne pouvions la garder seule. Elle est donc partie et, aux dernières nouvelles, elle serait gestante. C’est une grande fierté pour la réserve ».
« À terme, l’éléphant d’Afrique sera de nouveau présent à Sigean. Et le coordinateur de l’espèce a besoin de nous. Mais il nous faut les bonnes conditions d’accueil, des soigneurs extrêmement qualifiés, de bonnes conditions d’espace. Nous travaillons sur un projet pour pouvoir les accueillir, mais à ce jour nous n’avons pas de délai à indiquer »
« Nous étudions un parc aménagé de plusieurs hectares, une maison mieux ventilée et avec de la lumière naturelle. Car l’éléphant doit pouvoir marcher, avoir des surprises… Le coordinateur a besoin de parcs qui puissent recevoir des groupes d’adolescents, et qui dit adolescents, dit animaux très actifs, joueurs et turbulents. C’est un challenge pour nous, car jusque-là, nous étions habitués à des groupes d’adultes et c’est très plan-plan. Mais là, vous imaginez des lycéens de 3 tonnes avec plein de bêtises à faire ».
♦ Réintroduction dans la nature
Le programme d’élevage de l’EAZA vise à conserver un vivier d’individus sains afin de pouvoir conserver une espèce viable. Mais la mission est aussi d’œuvrer pour la réintroduction d’une espèce disparue à l’état sauvage. C’est le cas de l’Ibis chauve. En janvier 2018, la réserve de Sigean et 6 autres parcs européens ont contribué au lâcher de 37 échassiers pour rejoindre leurs congénères en Andalousie.
Cette espèce, qui était présente entre l’Europe et le Maroc, avait quasiment disparue, tout comme la branche orientale vivant en Syrie. « La colonie vivant dans les ruines de Palmyre est définitivement perdue », nous confiait Marianne De Jésus. Cependant, grâce au travail conjoint de ces 7 parcs, la branche occidentale pourrait bien coloniser à nouveau son territoire de prédilection.
♦ Près d’1 million d’espaces menacées d’extinction
L’ONU vient de publier un rapport choc sur la biodiversité. Et le constat est sans appel ! Près d’un million d’espèces animales et végétales, sur les 8 millions existantes, seraient menacées… Les spécialistes parlent d’une extinction qui menacerait même l’espèce humaine. Le rapport classe par ordre d’importance les cinq facteurs principaux qui menacent la biodiversité. Du changement d’usage des terres et de la mer, au changement climatique et la pollution en passant par l’introduction d’espèces invasives, c’est l’activité humaine qui est responsable de cette extinction de masse.
Certaines espèces, telles les girafes, les lycaons ou le perroquet gris du Gabon, étaient encore abondantes il y a 20 ou 30 ans. Tout comme celles qui font déjà l’objet de dispositifs de conservation (le rhinocéros blanc ou le guépard), elles sont à ce jour considérées comme en grande précarité auprès de l’UICN. Cette ONG est surtout connue pour attribuer aux espèces un statut de conservation qui permet d’éditer la liste rouge des espèces menacées.
♦ L’action des parcs dans la préservation
À leur niveau, les parcs, réserves et aquariums européens ont pris les devants et travaillent ensemble depuis les années 80. Marianne De Jésus nous en explique le fonctionnement :
« Un coordinateur européen rassemble un maximum d’informations sur l’espèce qu’il coordonne. Le coordinateur travaille avec un comité d’espèces, rassemble les informations. Il les étudie à l’aide d’un programme informatique qui permet de faire des analyses génétiques et démographiques par rapport, entre autres, à la consanguinité. Cela fonctionne comme dans la nature, quand un groupe est au complet, un individu quitte le groupe à la recherche d’un nouveau territoire.
Dans le programme EAZA, c’est le même principe. Sauf qu’ici, il quitte son parc pour en rejoindre un autre. Le coordinateur va analyser cet animal par rapport aux autres individus de l’ensemble de la collection. Il travaille par la généalogie, car il peut remonter jusqu’à l’origine sauvage de l’animal. Car, pour certains, ils ont été capturés dans les années 70. Toutes ces informations sont regroupées dans l’arbre généalogique de l’animal. En fonction de cela, il tient aussi compte de la volonté des parcs, du comportement de l’animal (dominant ou dominé dans le groupe etc.) mais aussi de la distance entre les différents parcs ou réserves ».
♦ Mais au fait ? Comment transporte-t-on une girafe ou un éléphant ?
Bon à savoir, ce sont des entreprises très spécialisées et avec des remorques spécifiques qui transportent les animaux sauvages comme les girafes. Des animaux qu’il faut éviter d’endormir, du fait de leur grande taille, et de leur centre de gravité, très difficile à trouver. La chute peut provoquer des blessures graves et les dosages d’anesthésiques sont difficiles à trouver. Il est donc privilégié un transport très doux, et avec beaucoup de confiance, dans un véhicule adapté. Et toujours en tenant compte de l’état d’esprit de l’animal. Il n’est nullement question de le brusquer ou de le stresser. Les très gros animaux, du type girafe ou éléphant, ne sont que très rarement transportés à l’âge adulte et les trajets longs sont à proscrire.
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