Article mis à jour le 1 août 2024 à 08:12
Depuis 2012 et sa labellisation, le Canigou doit s’écrire Canigó, un retour aux sources pour la montagne qui domine Perpignan, Prades ou Rivesaltes.
Alors que le débat est ouvert pour ajouter au nom du département une dimension plus culturelle, en clair y adosser l’identité catalane, le retour au nom originel du Canigó, prononcé Canigou, a lui été tranché il y a plusieurs années déjà. Jacques Taurinya, ancien vice-président du Syndicat mixte grand site massif du Canigó a répondu à nos questions sur cette montagne qui du haut de ses 2784 mètres domine les Pyrénées-Orientales.
La genèse de la transformation de Canigou en Canigó
«Tout a commencé quand nous avons demandé la labellisation auprès du réseau des grands sites de France», précise Jacques Taurinya. «Le Canigou est un symbole de la catalanité reconnu depuis le fin fond de la Catalogne jusqu’à chez nous. Quand nous avons demandé le label, nous nous devions de signaler cette identité catalane. L’idée était de faire du bilinguisme à chaque fois que cela était possible et surtout de restituer l’orthographe catalane chaque fois que nous le pouvions.»
L’ancien maire de Ballestavy poursuit, «la vraie orthographe du Canigó est avec un Ó qui prononce OU chez nous, le OU est une traduction française. Et en France, quand ils ont écrit les noms et en particulier sur le cadastre, chaque fois qu’il y avait un O, celui-ci pouvait être un U ou un O accentué, et comme cet accent tonique n’existe pas en français, tous les noms de lieux ont été transformés.»
«Quand avec Christian Bourquin (président du département et du syndicat mixte), nous a présenté le label en commission nationale, nous y sommes allées un peu au culot, en disant que le vrai nom du Canigó c’était avec un O accentué. Nous avons bien défendu notre dossier, et finalement nous avons nous-même été surpris que ce soit accepté. Du haut de leur tour de la Défense, ils ont compris que Canigó était le nom légitime.»
Une longue lutte pour la défense de la langue catalane
Si Jacques Taurinya se félicite d’avoir réussi à faire accepter le nom catalan de la montagne emblématique, il concède qu’il fut lui-même surpris par l’autorisation de revenir au nom originel. Car se souvient l’enseignant, la bataille des noms et prénoms régionaux faisait rage à cette époque. Il se remémore les parents du petit Martí amputé de son accent sur le I, lors de l’enregistrement par l’État civil en 1998. S’ensuivit une longue bataille judiciaire des parents pour faire admettre l’accent sur le I.
Depuis 2014, une circulaire est venue préciser l’usage des accents ou «signes diacritiques» lors de l’enregistrement du prénom d’un enfant par l’État civil. « Seul l’alphabet romain peut être utilisé et les seuls les signes diacritiques admis sont les points, trémas, accents et cédilles tels qu’ils sont souscrits ou suscrits aux voyelles et consonnes autorisées par la langue française ». (…) La circulaire précise même les signes autorisés, à savoir : à, â, ä, é, è, ê, ë, ï, î, ô, ö, ù, û, ü, ÿ et ç. Désormais, plus besoin pour Lluís de passer par le tribunal de Montpellier, ni pour Alicía de saisir celui de Perpignan.
Noms des villes et villages en catalan, une fin de non-recevoir de l’administration
Pour l’amoureux du catalan qu’est Jacques Taurinya, si le Canigó a pu réintégrer son nom historique, c’est une autre paire de manches pour le nom des villes et villages. L’habitant de Ballestavy, s’insurge de ce nom qui ne veut rien dire. Au contraire, le «vrai nom» est Vallestàvia qui signifie vallée, Vall en catalan. «Là ils l’ont écrit avec un B, ce qui n’a aucun sens.» Idem pour les lieux dits qui intègrent le nom commun voisinage qui se dit en catalan veinat, le cadastre napoléonien a transformé le V en B. Désormais, les veinats sont des « Beinat« , voire parfois des « Baynat« .
Si le retour à l’orthographe catalane des lieux-dits se passe assez bien selon celui qui fut aussi maire de Balletavy, pour le nom des villages c’est une fin de non-recevoir de l’administration. «Peut-être le côté une et indivisible de la République française» avance Jacques Taurinya. Pour tenter de contrer cette «aberration», Jacques salue le double panneautage à l’entrée et à la sortie de chacune des 226 communes des Pyrénées-Orientales. Ainsi Ballestavy, retrouve son Vallestàvia et Perpignan son Perpinyà.
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