Article mis à jour le 28 septembre 2021 à 17:11
Le comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien aux entreprises vient de publier son premier rapport d’étape. Les analyses contenues dans ce rapport d’étape se concentrent essentiellement sur les quatre principales mesures : activité partielle, fonds de solidarité, prêts garantis par l’État, reports de cotisations sociales. Ces mesures ont mobilisé 206 milliards d’euros à la fin mars 2021 ; soit 9% du PIB français.
Ce comité inclut des représentants des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, des associations des régions, des départements et des maires de France, des organisations représentatives patronales et syndicales, de la Cour des comptes et des administrations.
♦ À la fin 2020, l’ampleur de la récession situe la France dans la moyenne des grands pays européens.
Selon les pays européens, l’impact du choc de la Covid-19 a été hétérogène sous l’effet de plusieurs facteurs : intensité de la crise sanitaire, calendrier et rigueur des mesures de restriction économique, différences de situation économique initiale, de structure sectorielle de l’économie ou encore divergences dans les politiques macroéconomiques et les dispositifs de soutien aux entreprises et aux ménages.
En 2020, le PIB a décru de 8,2% en France ; contre 6,2% en moyenne dans l’UE-27 et 6,6% dans la zone euro. À titre de comparaison, le PIB a reculé de 8,9% en Italie, de 9,8% au Royaume-Uni et de 10,8% en Espagne. En revanche, la récession a été nettement plus faible en Allemagne (-4,9%).
♦ De nombreuses similitudes économiques au sein de l’Europe.
La consommation a chuté alors que le revenu des ménages a résisté ; ce qui s’est traduit par une augmentation importante de l’épargne des ménages. En France, cette épargne a augmenté de près de moitié en 2020 par rapport à 2019 ; passant de 14,9% à 21,3% du revenu disponible brut. L’investissement des entreprises a relativement bien résisté tout comme l’emploi salarié ; baissant de manière nettement plus modérée que l’activité.
Le taux de marge s’est replié. Sur les trois premiers trimestres de 2020 (dernière donnée disponible au niveau européen), le taux de marge a baissé en France de 4 points par rapport à la même période en 2019 (de 33% à 29%). Cette baisse est comparable à celle de l’Espagne ; mais plus forte qu’en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni.
En France, où les sommes mises en jeu par le PGE sont plus élevées qu’ailleurs, la double augmentation de l’endettement brut et de la trésorerie a été la plus significative d’Europe. Il en résulte une hausse modeste – mais plus élevée que chez nos voisins européens -) de l’endettement net des sociétés non financières en 2020 (+ 17 milliards d’euros). La France se distinguait déjà fin 2019 par un endettement plus élevé ; 73% du PIB, contre 63% en Italie, 57% au Royaume-Uni, et 41% en Allemagne.
Sous l’effet des dispositifs de soutien, les défaillances d’entreprises ont fortement diminué en 2020 (-38% en France) ; au-delà de la fermeture temporaire des tribunaux de commerce au printemps 2020 et de la suspension des assignations par l’Urssaf. Les créations d’entreprises ont progressé de 4% sur l’année en France (une exception européenne) ; portées par les micro-entrepreneurs (+9%), alors que les créations d’entreprises classiques ont diminué de 13%.
♦ Des mesures de soutien aux entreprises fortement mobilisées.
Les dispositifs ont été mis en place dès les premières semaines de la crise ; dans la foulée de la loi d’urgence et de la loi de finances rectificative, toutes deux adoptées le 23 mars 2020.
Selon le comité : « la réactivité des autorités publiques, ainsi que la facilité de recours aux dispositifs – au moins dans leur version initiale – font globalement l’objet d’une appréciation très favorable. Le taux de refus des PGE, qui était un point d’attention important des entreprises, s’est avéré finalement très faible. En outre, les dispositifs ont été rapidement adaptés et élargis pour prendre en compte les cas particuliers. »
Cet avis très favorable a été relativisé à partir de la deuxième vague ; lorsque les critères de recours aux dispositifs ont été complexifiés, en particulier pour le fonds de solidarité. Pour ce dernier dispositif, cette complexité s’est accompagnée d’un allongement des délais de versement ; allongement qui s’explique notamment par des contrôles ex ante plus importants. Le montant de versements indus évités à fin mars est estimé par la DGFiP à 5,9 milliards d’euros.
♦ Des dispositifs « consommés » de manière hétérogène sur la période.
Sur les 135 milliards d’euros de PGE accordés à fin mars 2021, près de 90% l’ont été dès la première vague. Cette proportion est de deux tiers pour l’activité partielle (20 milliards sur 29,8) ; mais de 32% seulement pour le fonds de solidarité (6,8 milliards sur 21,4). Ce dernier a été largement étendu à partir de l’automne 2020. Depuis le début de la deuxième vague, c’est la dépense au titre du fonds de solidarité qui chaque mois est la plus élevée.
D’après l’enquête Acemo-Covid de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), depuis le début de la crise sanitaire en mars 2020, le taux de recours à l’activité partielle en équivalent temps plein (ETP) aurait connu son point haut – 29 % des salariés du privé – en avril 2020. Puis il aurait baissé progressivement pour atteindre un plancher à 2 % en septembre 2020. Suite au deuxième confinement à l’automne, le taux de recours au dispositif aurait enregistré un rebond à 8% ; avant de connaître une légère diminution pour atteindre un plateau à 6% début 2021.
Au total, en cumulé depuis mars 2020, 2,8 milliards d’heures (dont 164 millions en février 2021) auraient été indemnisées ; pour 29,8 milliards d’euros d’allocations versées.
♦ L’intensité du recours décroît avec la taille des entreprises.
À fin septembre 2020, 3,7 millions d’entreprises avaient bénéficié d’au moins une des quatre mesures de soutien financier d’urgence mises en place par les autorités. Soit un montant global de près de 163 milliards d’euros ; dont 26 milliards de subventions et 136 milliards de prêts.
- Le report de cotisations sociales a bénéficié à quatre fois plus d’entreprises que le PGE (2,4 millions d’entreprises recourantes contre 600.000) ; notamment en raison du caractère automatique du report pour les indépendants.
- Le fonds de solidarité, initialement ciblé sur les TPE, vient ensuite, avec 1,7 million d’entreprises recourantes.
- L’activité partielle, qui par définition n’est accessible qu’aux entreprises employant des salariés, a été mobilisée par un million d’entreprises.
Les dispositifs ont été mobilisés plus intensivement par les petites entreprises. Concentrant environ 20% de l’emploi total, les TPE sont concernées par 56% du montant total des contributions sociales reportées, par l’essentiel du fonds de solidarité (qui leur était destiné durant la première vague) et représentent 27 % du montant total de l’activité partielle et un peu moins de 27 % du volume des PGE.
En revanche, les entreprises faisant partie d’un groupe (52% des salariés de l’économie française) concentrent 60% des montants d’activité partielle et 66% des PGE ; mais 35% seulement des reports de cotisations et quasiment rien du fonds de solidarité.
♦ Parmi les entreprises ayant eu recours à au moins un dispositif, une part substantielle n’a eu recours qu’à un seul dispositif.
Il en ressort ainsi que l’activité partielle est le dispositif « de base » pour les entreprises de 5 salariés et plus. Alors qu’a contrario, le recours au fonds de solidarité est toujours croisé avec un autre dispositif.
En résumé, si une part substantielle des mesures d’urgence a bénéficié aux entreprises les moins touchées, ces aides sont allées proportionnellement davantage aux entreprises déclarant une forte baisse de leur chiffre d’affaires. Les entreprises déclarant une hausse de leur chiffre d’affaires au deuxième trimestre 2020 représentent 27% de l’emploi ; elles ont reçu 14% des subventions versées à fin septembre. À l’inverse, les entreprises déclarant une baisse de leur chiffre d’affaires supérieure à 60% représentent 14% de l’emploi ; elles ont reçu 31% des subventions versées à fin septembre.
♦ À ce jour, les mesures d’urgence ont permis de réduire fortement le nombre d’entreprises insolvables ou défaillantes.
Selon le comité : « Il est évidemment trop tôt pour disposer d’évaluations causales sur l’impact des mesures d’urgence, à supposer qu’il soit même possible d’en produire à terme. Mais nous disposons d’ores et déjà d’éléments de différente nature allant dans le sens d’un effet massif des dispositifs sur l’économie française. »
Alors que les économistes anticipaient une augmentation importante des défaillances d’entreprises, non seulement elles ne se sont toujours pas produites, mais on reste au premier trimestre 2021 sur des niveaux nettement plus faibles qu’avant crise. Ensuite, la différence d’ampleur entre les pertes d’emploi et la perte d’activité en 2020 va bien au-delà des mécanismes habituels de rétention d’emploi. Il est difficile d’imaginer que les mesures de soutien y soient étrangères.
Le comité de rappeler toutefois « que l’évolution de ces variables macroéconomiques ne résulte pas seulement des mesures de soutien aux entreprises ; mais de l’ensemble des politiques budgétaires et monétaires, ainsi que de l’environnement international. »
Somme cumulée du nombre d’ouvertures de procédures collectives (redressement et liquidation judiciaire, hors conversions de RJ à LJ, tous tribunaux 2008-2021). Source : secrétariat du comité, d’après publications BODACC jusqu’au 23 mars 2021. Traitement France Stratégie.
♦ Des exercices de micro-simulation pour quantifier l’impact des mesures de soutien.
De manière complémentaire à ces éléments macroéconomiques, plusieurs équipes de recherche ont procédé à des exercices de micro-simulation pour quantifier l’impact des mesures de soutien sur la situation financière des entreprises.
L’étude la plus complète à ce jour intégrant le recours aux mesures de soutien est celle de la DG Trésor. Elle estime que ces mesures ont permis de limiter l’augmentation de la part des entreprises insolvables à +3 points (contre +8 points en l’absence des dispositifs). L’effet serait particulièrement fort dans l’hébergement-restauration : la part des entreprises insolvables s’établirait à 30% sans dispositifs et à 12% avec dispositifs. L’étude simule également l’effet de la crise sur le processus de destruction créatrice. Il ressort que le soutien public aurait pour effet de réduire le taux d’insolvabilité ; mais pas de modifier la distribution de productivité du travail dans les entreprises insolvables.
Ces travaux du comité seront mis à jour et prolongés en vue du rapport final qui sera rendu public en juillet 2021. L’objectif sera notamment d’actualiser l’analyse détaillée du recours aux dispositifs en intégrant le quatrième trimestre 2020 et le premier trimestre 2021. Mais aussi d’étudier les trajectoires des entreprises (emploi, masse salariale, défaillances, etc.) ; et ce en fonction de leur recours aux dispositifs et de leur exposition à la pandémie.
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