Article mis à jour le 25 septembre 2024 à 12:36
À l’époque, il s’appelait simplement Nasser et était membre du Collectif des 12 de Saint-Jacques. Un collectif qui tentait de stopper les bulldozers envoyés par la mairie pour détruire les immeubles insalubres de ce quartier populaire de Perpignan. Quel chemin parcouru depuis ces journées du patrimoine 2018 où il jouait les guides pour présenter son quartier…
Le jeune homme est aujourd’hui l’un des moteurs de Saint-Jacques. Il est devenu Nasdas, l’influenceur capable d’intéresser Netflix, Brut, Skyrock ou des personnalités comme Kaaris, Soolking ou Just Rihad au quartier Saint-Jacques et à ses habitants. Retour sur la transformation de Nasser en Nasdas.
Où a grandi Nasdas ? « J’ai grandi au 4B de Bétriu »
Aujourd’hui, cet immeuble enclavé entre la Casa Musicale et la Place Cassanyes n’est plus. Il a été détruit par la municipalité au prétexte qu’il abritait un des points de deal les plus importants de la ville. Nasdas se souvient avec émotion du Centre de Loisirs Jeunes qui jouxtait le commissariat de Bétriu. Commissariat fermé, le centre social a suivi. Nasdas se remémore des figures du centre social,« Nacera, YaFull. Le CLJ encadrés par des policiers en civil. C’était un truc de fou ! C’était la plus belle des initiatives ».
Selon Némir, rappeur également né à Saint-Jacques, la relation avec ces policiers n’était pas la même du fait du centre de loisirs. « Les flics du commissariat de Bétriu étaient au centre de loisirs tous les après-midi. Moi, j’y suis allé durant toute mon adolescence. J’avais plein de potes keufs. C’était cool, on discutait de tout et de rien. On les voyait autrement qu’avec leur uniforme. Ils nous parlaient aussi de leurs petits problèmes. Une confiance réciproque s’installait. Cela brisait un peu ce symbole d’autorité tout en créant un autre type de relation ».
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L’ambition de Nasdas ? « Toujours aider les autres »
Nasser a fréquenté le lycée Lurçat, il voulait devenir ambulancier. Avec déjà cette envie d’aider. Mais le parcours classique n’a pas voulu du jeune homme atypique, à la scolarité tumultueuse, mais à la capacité à faire passer un message. Après son engagement au service du collectif des 12, il devient gardien d’immeuble pour l’office des HLM. Un temps d’anonymat bien éloigné de la pression que lui confère sa soudaine célébrité.
« En tant qu’artiste, tu n’as pas le droit au moindre écart. Il va toujours y avoir quelqu’un qui va te filmer et poster en disant : regardez le vrai visage de Nasdas. Pour moi, la vraie vie c’est d’aller à la mosquée le matin pour prier et faire un petit travail. Des fois, je me dis que mon travail de gardien d’immeuble me manque. J’aimais bien nettoyer des immeubles avec mes écouteurs. Je finissais à midi, j’étais heureux ».
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Nasdas et la politique ?
Au sens noble du terme, Nasser fait déjà de la politique. Depuis ses premiers engagements, Nasser aime à organiser le quartier. Il tente de combler l’absence des pouvoirs publics qui, selon lui, ont délaissé Saint-Jacques. Des habitants qui ont, pour le jeune homme, tant besoin d’écoute, d’accompagnement, de pédagogie, bref d’amour.
Chaque visite dans le quartier d’une personnalité est comme un événement, et quelques figures sont devenues incontournables ; Lino Gimenez, dit Nounours, mais aussi depuis 2018, Nasser. Et c’est tout naturellement qu’en pleine campagne des Européennes, le député François Ruffin en visite à Saint-Jacques échange avec Nasser.
Au-delà du rôle de « communicant » de Saint-Jacques, le jeu politique n’a pas manqué de rattraper le jeune Nasser. Avant même qu’il ne devienne la célébrité qu’il est aujourd’hui, nombreux ont été ceux qui ont vu en lui le potentiel pour parler aux électeurs. Durant la précampagne des municipales, il avait enregistré une vidéo dans laquelle il ne s’engageait envers aucun candidat, mais appelait à voter, un devoir citoyen. La vidéo diffusée par Clotilde Ripoull, candidate aux municipales de 2020, lui a valu quelques inimitiés à l’heure où chacun dans le quartier prenait parti pour un autre candidat, Romain Grau.
Depuis, Nasser prend garde à rester à distance des politiques qui ne voudraient que profiter de son image. « Ce que je n’aime pas c’est la personne qui arrive avec le porte-monnaie de la ville ou de l’État pour faire une action, mais qui à la fin veut prendre une photo pour la mettre sur sa page Facebook. Ils cherchent à se faire mousser pour une prochaine élection ».
Maire de Perpignan ? Député des Pyrénées-Orientales ? Nasdas « réfléchit »
Selon Nasser, le salut du quartier ne viendra que par ses habitants. Aujourd’hui, il n’attend plus rien de personne. Au point de vouloir prendre lui-même les choses en main ? Dans une récente vidéo de Skyrok, à la question, « avoir un maire d’extrême droite ? », Nasdas rétorque, « J’apprécie à moitié, je n’apprécie pas du tout même.
Louis Aliot est passé au pouvoir, et vu comment il est passé à la mairie, avec le soutien de toutes les communautés. Pfff, c’était pour moi un grand Trafalgar ».
Questionné sur la destruction de Saint-Jacques, là encore Nasdas n’apprécie pas du tout. « Louis Aliot nous avait promis qu’il allait arranger ce problème, et on a cru en ses promesses ! Mais au contraire, il est en train de tout détruire. Mais on ne se laissera pas faire ! Même si c’est vrai que des fois, en tant que simple citoyen, on a envie de baisser les bras ». Mais l’une des alternatives, selon l’entourage de l’influenceur, serait qu’il se présente aux élections. Avec le sourire, il répond, « je ne peux pas dire si je vais me présenter, on m’a déjà conseillé de le faire. Mais je n’ai pas encore décidé ».
Idem pour les législatives. Lors d’une récente rencontre, il nous confiait : « Bientôt, on va annoncer ma prochaine dinguerie. Je vais me présenter aux législatives sans aucun parti. Sur la circonscription Millas, Pia, Les Angles, Font-Romeu. On monte déjà l’équipe politique. Si je remporte l’élection, je pourrai dire, Eh, je vous ai gagnés ! ». Information qu’il a confirmée au journal anglais The Guardian. « Je veux briser les clichés (…). Je suis jeune, de couleur, quelqu’un qui ose. J’ai envie d’embêter un peu les gens. Pour montrer à la France qui nous sommes ».
En attendant de faire ses premiers pas à l’Assemblée nationale, Nasdas fait venir le gratin à Saint-Jacques
Depuis le début de l’année, Saint-Jacques est devenu « the place to be« , le lieu qui compte pour les rappeurs et autres influenceurs. Le rappeur Soolking a même choisi d’y tourner le clip de son prochain single « Suavemente ». Le lendemain, le célèbre Kaaris était présent pour travailler sur un titre avec Samos ; membre de la Team Nasdas qui s’était livré dans nos colonnes d’expression en septembre dernier. Avant les musiciens, les influenceurs étaient déjà venus faire la promotion de Saint-Jacques. L’influenceur, vidéaste, humoriste et acteur Just Riadh qui cumule 4 millions d’abonnés sur Instagram était venu tourner un épisode pour la série BrutX, « Je suis pas influenceur » ; l’idée de cette collection étant de casser les clichés sur les influenceurs.
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« Là où la solidarité est synonyme de mode de vie »
Dans le cadre de la « Rédaction junior » Made In Perpignan, Clara, Celia, Maryam et Sarah avaient rencontré Némir et Nasdas. Sarah nous livre à son tour sa vision de Saint-Jacques à travers les yeux de ces deux figures du quartier.
Saint-Jacques, situé sur une des hauteurs de Perpignan, est un quartier historique connu pour sa population majoritairement gitane. Berceau de créateur de contenus comme Némir et NasDas, Saint-Jacques représente pour la plupart, un endroit où toutes cultures se mélangent et s’assemblent. Némir, ayant grandi dans ce quartier, peut en être témoin : « À mon époque, dans ma rue, il y avait autant de familles gitanes, maghrébines, que françaises ». Entre cultures et traditions, la population a su faire vivre Saint-Jacques rythmé par leurs manières de vivre. Bien que différentes, les cultures qui forment le quartier se sont réunies pour former une même unité. NasDas nous le souligne d’ailleurs « Saint-Jacques c’est Babylone. Il y a tout. Et c’est le quartier de tout le monde ». Nous partageant leurs différents souvenirs malgré leurs 10 ans d’écart, Némir et NasDas se réfèrent au sentiment d’appartenance unique.
Saint-Jacques, c’est plus qu’un simple quartier, c’est un mode de vie à part entière. Ses habitants y ont leur propre manière de parler et de se comporter : « quand on grandit ici, on a une façon de tourmenter, de rigoler, de regarder l’autre, de l’appeler en sifflant. C’est quelque chose qui reste pour toute la vie. Et toutes les générations l’ont eu à leur manière ». À Saint-Jacques, les habitants forment une même famille ; et peu importent les différences culturelles ou bien religieuses : « Noël et le nouvel an dans les familles à Saint-Jacques, c’est unique au monde. Tu rentres dans une maison, tu remontes dans une maison et tu ressors. Et tu te balades comme ça dans tout le quartier. Toutes les maisons qui fêtent Noël, tu peux rentrer dedans. » nous souligne Némir. Tout porte à croire que la solidarité donne la cadence à St-Jacques ». Ce qui est sûr, c’est que l’esprit de Saint-Jacques naît et vit dans chacun de ses habitants.
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